Principales publications

Remarque préliminaire

Qui consultera la liste ci-dessous de mes principaux travaux comprendra que je récuse l’appellation de « spécialiste » pour me qualifier (même dans le domaine de la responsabilité civile, où il m’est arrivé de publier quelques lignes). Je me veux simplement un honnête homme, aux centres d’intérêt les plus divers, et un amateur passionné.

I. – OUVRAGES

1. – La Règle Nemo auditur, préface P. Raynaud, LGDJ, 1970, couronné par l’Académie de législation (recensé par le doyen J. Carbonnier, RTD civ. 1972, p. 343), épuisé.
2. – La Responsabilité civile, Dalloz, 1re éd. 1972 ; 2e éd. 1976 ; 3e éd. 1982, épuisé.
3. – Sur la grand route du siècle, Téqui, 1987 ; 2e tirage 1989, épuisé.
4. – La Concession commerciale exclusive, Economica, collec. Droit Poche, 1994, épuisé.
5. – Le Franchisage, Economica, collec. Droit Poche, 1994, couronné par la Délégation générale à la Langue française, épuisé.
6. – La Responsabilité des vendeurs et fabricants, Dalloz, collec. Connaissance du droit, 1997, épuisé.
7. – Les Contrats informatiques, Dalloz, collec. Connaissance du droit, 1997, épuisé.
8. – Le Parasitisme, Litec, 1998, 280 pages, épuisé.
9. – L’Éthique des affaires et du management au XXIe siècle. Essai, Dalloz Dunod, 2000 ; 2e tirage 2001, 270 pages, épuisé. Traduit en espagnol par R. Abarca Fernandez (épuisé). Ce livre se trouve intégralement dans ce site, substantiellement modifié en 2016.
10. – La Responsabilité civile, PUF, collec. Que sais-je ?, 2003, traduit en espagnol par J. Tamayo Jamarillo (3e tirage en 2010).

11. – Le Contrat de vente, Dalloz, collec. Connaissance du droit, 146 p., 2005.

12. – La Responsabilité civile professionnelle, Dalloz, collec. Référence, XII + 168 p. ‒ Traduit en espagnol par J. Tamayo Jamarillo, et en arabe par Laid Saadna. 2e éd., refondue, juin 2005.
13. – Les Principaux contrats civils et commerciaux (avec J. Fischer et E. Tricoire), Ellipses, 336 p., 2005.
14. – Les Contrats de franchisage, LexisNexis, collec. Droit & professionnels, 1re éd. 2003, 2e éd. remaniée et augmentée, 2007 (324 p.).
Le franchisage (ou franchise) organise une coopération entre des entreprises indépendantes. D’une part celle du franchiseur, qui a mis au point et expérimenté un concept substantiel, identifié et réitérable. D’autre part, celles des franchisés, qui s’affilient au réseau du premier. Ils y adhèrent, afin notamment de bénéficier du savoir-faire, des signes de ralliement de la clientèle et de l’assistance continue du franchiseur, leur permettant d’en réitérer le succès de façon profitable. Le franchisage connaît une grande diversité, dont toutes les variétés sont étudiées (de distribution, de comptoir, industriel ou artisanal, financier, international). Mais celle qui est la plus caractéristique et la plus intéressante est le franchisage de service qui, pour cette raison, donne lieu à de substantiels développements. Le franchisage impliquant l’existence d’un réseau, celui-ci est envisagé sous divers aspects (fondement, protection, avantages, droit de la concurrence, etc.).

15. – (En collaboration), Tratado de responsabildad médica (direction Marcelo J. López Mesa), Legis, Buenos Aires (Argentine), XVI et 822 pages, 2007.

16. – Les Contrats de concession, LexisNexis, collec. Droit & professionnels, 1re éd. 2003, 2e éd. remaniée et augmentée, X et 318 pages, 2010.
Les divers contrats de concession (à l’exclusion du franchisage) sont étudiés, de façon à la fois théorique et pratique. Il s’agit essentiellement, d’une part de la concession exclusive (c’est à dire le contrat par lequel un concédant accorde l’exclusivité de la revente de ses produits de marque sur un territoire déterminé, tandis que le concessionnaire s’engage à s’approvisionner exclusivement chez le concédant). D’autre part de la concession libre, dite plus généralement la distribution sélective (reposant sur une sélection par le fournisseur de distributeurs qui assureront la revente de ses produits de manière adéquate grâce à leur compétence et à leurs installations).
La première partie étudie les rapports entre les cocontractants (au travers de deux chapitres, l’obligation de collaboration, l’indépendance dans l’interdépendance), la seconde étant consacrée aux réseaux (en envisageant leur protection puis leur développement).

17. – Responsabilité des vendeurs et fabricants, Dalloz, collec. Référence, XII + 378 p., 1re éd. 2001 ;  5e éd., remaniée et augmentée,  2015.

18 – L’Ingénierie, les transferts de technologie et de maîtrise industrielle, LexisNexis, collec. Droit & professionnels, 1re éd. 2003, 2e éd. 2016, remaniée et augmentée, XVI + 336 pages.

L’ingénierie est une activité de conception, de mise au point et de réalisation de projets commerciaux ou industriels ainsi que de grands ensembles. Une évolution s’opère du transfert de techniques à celui plus complexe de maîtrise industrielle. L’ouvrage étudie en détail les pourparlers, les clauses du contrat (dont un bon nombre en anglais), les difficultés propres aux contrats internationaux, la détermination du prix, les prestations de la société d’ingénierie et sa responsabilité à propos de la conception des projets. L’objectif est l’exécution de ceux-ci, mettant éventuellement en jeu la responsabilité de l’intervenant. Le rôle de la société d’ingénierie peut être divers. Il est particulièrement important dans les contrats clés en mains. Les méthodes d’exécution sont elles-mêmes variées. À côté de l’unité d’exécutants avec des sous-traitants, il est possible de recourir à une pluralité d’exécutants avec des co-traitants formant un consortium (doté souvent de la personnalité morale, désignée de façon imprécise de joint-venture). L’ouvrage comporte en annexe plusieurs modèles de contrats.

19. – Droit de la responsabilité et des contrats. Régimes d’indemnisation, Dalloz , collec. Action, 1re éd. 1996 ; 13e éd. profondément remaniée et augmentée, 2023/2024, XLIII + 2908 pages, 125 euros. Couronné par l’Institut (Académie des sciences morales et politiques). Il a succédé à l’ouvrage Droit de la responsabilité,  publié par le même éditeur, dont la première édition remonte à 1972.
Droit de la responsabilité et des contrats s’adresse en priorité aux praticiens (avocats, magistrats, juristes d’entreprises), et plus largement aux professionnels ; mais il intéresse également les universitaires et les étudiants de troisième cycle. Il répond en effet aux préoccupations de ces divers destinataires, par son contenu et sa méthode, qui sont très spécifiques.
Cet ouvrage est d’abord résolument pratique. Chaque question est traitée de la façon la plus claire possible, en exposant les solutions du Droit positif et en citant abondamment la jurisprudence. Cet aspect pratique est renforcé par l’importance inhabituelle du nombre des renvois internes et des mots d’entrée de l’index.
Mais en même temps ce livre est doctrinal. Il ordonne de façon cohérente une jurisprudence disparate, apporte une réflexion critique sur certaines positions, et propose des solutions nouvelles. Une bibliographie choisie, comprenant les publications les plus récentes, y compris des thèses, permet toujours d’aller plus loin.
Référence reconnue en la matière depuis longtemps, cet ouvrage est le seul en langue française présentant en un volume unique, facilement consultable :
L’ensemble du Droit de la responsabilité, tant administrative que civile, y compris dans ses rapports avec la responsabilité pénale.
Les principaux contrats civils et commerciaux, les garanties de l’assurance, ainsi que les assurances construction et automobile.
Aucun autre livre n’étudie à la fois tant de contrats spéciaux et de professions. Une importance particulière est donnée aux actes préparatoires aux contrats et à l’inexécution contractuelle, notamment aux défaillances professionnelles.
D’autres thèmes sont largement développés : la concurrence déloyale et le parasitisme.
Les actions récursoires sont exposées. De même que les importants régimes spéciaux d’indemnisation, notamment en matière médicale (sans oublier les questions des infections nosocomiales et des contaminations sanguines), d’infractions et d’actes de terrorisme, de moyens de transport, de produits (dont les produits défectueux), d’accidents de la circulation, d’infractions, écologiques, nucléaires ou miniers.
À chaque nouvelle édition, cet ouvrage est évidemment mis à jour. Il tient compte de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, « portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations », du nouveau code de la consommation, de nombreuses ordonnances ou décrets promulgués depuis la dernière édition, sans oublier le projet de réforme du droit de la responsabilité (présenté par le Garde des sceaux le 13 mars 2017).

20. – Contrats du numérique (informatiques et électroniques), Dalloz, collec. Référence, 1re éd. 2000 ; 12e éd. profondément remaniée et augmentée, XVIII + 808 pages, 2022/2023, relié, 78 euros. 

Le droit des contrats du numérique, tant informatiques qu’électroniques, emprunte l’essentiel de ses mécanismes au droit commun. Mais sa spécificité technique a entraîné des infléchissements dans l’application des règles juridiques.

À la fois théorique et pratique, cet ouvrage étudie l’ensemble des contrats informatiques et électroniques. Un important lexique anglo-français de termes de l’informatique et de l’internet figure en annexe. Cette onzième édition, considérablement modifiée et augmentée, tient compte des dernières évolutions techniques et juridiques, dont la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016, « pour une République numérique ». Il comporte un nombre considérable de références doctrinales et jurisprudentielles, tant internes que communautaires, constituant ainsi une base de données irremplaçable.

Est d’abord étudiée la préparation du contrat : élaboration, négociations, conséquences de leur rupture, rédaction avec les principales clauses, obligations des parties.

Ensuite, est analysée la réalisation de l’informatisation : contrat de fourniture de matériel, vente ou location (garanties légales et conventionnelles, responsabilité du fait des produits défectueux, etc.), contrat portant sur un logiciel et/ou sur un progiciel, contrat d’ensemblier informatique, dit clés en main.

Le livre trois est consacré à l’environnement de l’informatisation : à savoir les contrats de la distribution informatique, les contrats de services, dont la maintenance, la formation, l’audit, la surveillance matérielle et immatérielle («graffitis virtuels » et « mouchards électroniques »), la sous-traitance de spécialité et traitement à façon ou « service-bureau ». Enfin, sont envisagés les contrats de location et apparentés : infogérance, colocation à distance de système ou de logiciel, informatique dans les nuages (cloud computing) et utilisation d’une base de données.

Le dernier livre regroupe tous les contrats autour de l’internet et du numérique : vente « en ligne » et commerce électronique, fourniture d’accès et d’hébergement (responsabilités relatives à l’hébergement), référencements (liens hypertextes, moteurs de recherche, portails). Sont aussi abordés : l’intelligence artificielle, les algorithmes, les robots, le bitcoin, les blockchains, les contrats de création et de développement d’un site de création d’un nom de domaine, leur protection, et la publicité en ligne.Pour faciliter les recherches, les entrées de l’index ont été augmentées.

21 – La Relación de la causalidad avec Marcelo López Mesa, éditions Hammurabi, Bogota, Argentine, 2024, livre numérique à l’adresse suivante:

https://biblioteca.hammurabidigital.com.ar/library/publication/la-relacion-de-causalidad-1713527599

Mélanges en l’honneur de Philippe le Tourneau

Un ouvrage a été publié début 2008, Libre Droit. Hommage au professeur Philippe le Tourneau, Dalloz, XXVI + 1084 p., comprenant des articles de 60 auteurs, sans compter la préface suivante de M. Bernard Beignier, professeur à l’Université de Toulouse 1 Capitole, doyen de la Faculté de droit et sciences politiques (devenu depuis recteur de l’Académie d’Amiens puis de celle d’Aix-Marseille).

Dans son célèbre (et prémonitoire) essai Vers l’armée de métier (Berger-Levrault, 1934, p. 217), le Général de Gaulle notait que « La véritable école du Commandement est donc la culture générale. Par elle la pensée est mise à même de s’exercer avec ordre, de discerner dans les choses l’essentiel et l’accessoire, d’apercevoir les prolongements et les interférences, bref de s’élever à ce degré où les ensembles apparaissent sans préjudice des nuances. Pas un illustre capitaine qui n’eut le goût et le sentiment du patrimoine de l’esprit humain. Au fond des victoires d’Alexandre, on retrouve toujours Aristote ».
S’il faut présenter Philippe le Tourneau, on peut dire qu’il a formé des juristes en les dotant d’une solide culture générale et juridique. Tous ses écrits convergent vers la culture, le droit est pour lui ce que le « bassin du seuil de Naurouze » est au Canal du Midi, le réceptacle des eaux de la Montagne Noire pour mieux alimenter la féconde rigole du Languedoc. Le droit se nourrit de la culture et l’enrichit à son tour. Le droit a une fin et ne vaut vraiment que par cette seule fin : la justice. Encore faut-il contempler au-delà de cette même justice les cieux de la miséricorde. Le droit est, selon la formule connue de Portalis, fait pour les hommes et non le contraire. Former un juriste, c’est éclairer une conscience. Feuilletons cette somme considérable et unique qu’est le Traité de La responsabilité civile et le lecteur ne cessera d’y trouver citations d’auteurs, références historiques, réflexions philosophiques ; tout cela, non contre la technique, dont Philippe le Tourneau est un véritable expert, mais au service d’une technique ayant une fin et une destination. D’où une œuvre dense, variée, originale, vive, colorée, sérieuse… sans avoir un ton sérieux (ce qui est souvent la preuve que l’on n’est pas sérieux !).
Modestement, ses amis veulent lui rendre un hommage qui puisse lui ressembler, en cheminant hors des sentiers d’une société conformiste et triste. À la date du 24 février 1946, André Gide transcrit dans son prolifique Journal (La Pléiade, p. 1026), une lettre qu’il expédie à Bernard Enginger : « Le monde ne sera sauvé, s’il peut l’être, que par des insoumis. Sans eux, c’en est fait de notre civilisation, de notre culture, de ce que nous aimons et qui donnait à notre présence sur terre une justification secrète. Ils sont, ces insoumis, le sel de la terre et les responsables de Dieu ». Philippe le Tourneau a été, pour ses étudiants, ses élèves, mais aussi ses collègues, un insoumis et un responsable d’une parole plus vive que l’épée à deux tranchants, un maître de la responsabilité, donc de la liberté.

II. – PRINCIPAUX FASCICULES OU RUBRIQUES DANS DES ENCYCLOPÉDIES JURIDIQUES

– Responsabilité (en général), Répertoire civil Dalloz, 2e éd. 2009 (1re éd. 2002).
– Ingénierie et transfert de maîtrise industrielle. IV Documents et modèles de contrats, Juris-classeurs Contrats distribution, fasc. F-1810, 6e éd. 2012 (1re éd. 1977).
– L’exception d’indignité ; les règles Nemo auditur et In pari causa, Juris-classeurs civil, app. art. 1131 à 1133, 6e éd. 2013 (1re éd. 1973).
– Les obligations de moyens et de résultat ; les obligations de sécurité, Juris-classeurs civil, app. art. 1136 à 1145, 3 fasc. (20, 30 et 40), 2014, 6e éd., avec M. Poumarède (1re éd. 1979).
– Concession exclusive. Conditions de validité au regard du droit des contrats. Formation. Prix et durée, Juris-classeurs Contrats distribution, fasc. 1025, 9e éd. 2014 (1re éd. 1981).
– Abus de droit, Répertoire civil Dalloz, 3e éd. 2015 (avec L. Cadiet ; 1re éd. 2002)
– Concession exclusive. Conditions de validité au regard du droit de la concurrence, Juris-classeurs Contrats distribution, fasc. 1030, 9e éd. 2016 avec M. Zoïa (1re éd. 1981).
– Bonne foi, Répertoire civil Dalloz, 3e éd. 2017 avec M. Poumarède (1re éd. 1996).
– Solidarité, Répertoire civil Dalloz, 1re éd. 1990 ; 4e éd. 2018 avec J. Julien.
– Dépôt, Répertoire commercial Dalloz, 5e éd. 2018 (1re éd. 1997).
– Quasi-contrat, Répertoire civil Dalloz, 5e éd. 2018 (1re éd. 1995).
– Gestion d’affaires, Répertoire civil Dalloz, 5e éd. 2018 (1re éd. 1995).
– Contrats informatiques, Répertoire commercial Dalloz, 4e éd. 2019 (1re  éd. 1999).
– Contrat de surveillance, Juris-classeurs Contrats distribution, fasc. 2240, 4e éd., 2019 (1re éd. 1996).
– Concession exclusive. Effets. Rupture, Juris-classeurs Contrats distribution, fasc. 1035, 10e éd. 2019 avec M. Zoïa (1re éd. 1981).
– Contrat intuitu personæ, Juris-classeurs Contrats distribution, fasc. 200, 5e éd. 2020 avec D. Krajeski (1re éd. 1994).
– Concessions. Concession libre : la distribution sélective, Juris-classeurs Contrats distribution, fasc. 1020, 10eéd. 2020 avec M. Zoïa (1re éd. 1981).
Franchisage : Variétés du franchisage, Juris-classeurs Contrats distribution, fasc. 1045, 2021, 10e éd. avec M. Zoïa (1re éd. 1981).
– Franchisage dans le domaine des services, Juris-classeurs Contrats distribution, fasc. 1050, 2021, 10e éd. avec M. Zoïa (1re éd. 1981).
Contrat de transport, Répertoire civil Dalloz, 5e éd. 2021, avec C. Bloch (1re éd. 1994).
– Ingénierie et transfert de maîtrise industrielle. Internationalisation des entreprises et transfert de maîtrise industrielle ; variétés d’ingénierie ; ingénieries non techniques, Juris-class. Contrats distribution, fasc. 1810, 9e éd. 2021 (1re éd. 1977).
– Ingénierie et transfert de maîtrise industrielle. II Conception, Juris-classeurs Contrats distribution, fasc. 1820, 9e éd. 2021 (1re éd. 1977).
 Ingénierie et transfert de maîtrise industrielle. III Réalisation, Juris-classeurs Contrats distribution, fasc. 1830, 9e éd. 2021 (1re éd. 1977).
Contrat de maintenance, Répertoire commercial Dalloz, 6e éd. 2022 (1re éd. 1995).
 Exclusivités unilatérales, Juris-classeurs Contrats distribution, fasc. 1000, 10e éd. 2022 avec A. Mendoza-Caminade (1re éd. 1981).
Concessions. Distribution et réseaux de distribution. Inventaire des diverses concessions. Fondement et protection des réseaux de distribution, Juris-classeurs Contrats distribution, fasc. 1010, 10e éd. 2022 avec A. Mendoza-Caminade (1re éd. 1981).
– Mandat, Répertoire civil Dalloz, 6e éd. 2022 (1re éd. 1992).
– Contrat d’assistance, Juris-classeurs Contrats distribution, fasc. 2040, 2023 (1re éd.1996).

– Parasitisme, Juris-classeurs Concurrence consommation, fasc. 570 et 571, 9e éd. 2023 (1re éd. 1995).

III. – CASSETTE

– Commentaire de lencyclique « Laborem exercens » (L’homme au travail), Cassette Mère de miséricorde (n° 502), 1995.

IV. – PRINCIPAUX ARTICLES (à l’exception des préfaces, des recensions et des notes).

Articles publiés surtout en France, mais aussi en Argentine, Colombie, Pérou, Suisse, République Tchèque, Maroc, Tunisie, Canada (Québec), au Luxembourg et au Vatican.

– Marcel Brion, « un honnête homme »Droit et vie, avril 1964.
– Soldats sans uniforme, VIIe Rive-Gauche, janv. 1967.
– Maurice Couve de Murville, Le Courrier de Paris, 15 déc. 1969.
– La responsabilité civile des personnes atteintes d’un trouble mental, JCP G, 1971, I, 2401.
– Les actions des dirigeants « initiés » des sociétés par action, RTD com. 1971, p. 593 et s.
– Le bonheur de l’enfant, La vie judiciaire, 27 mars 1972.
– La faute lourde n’est pas la faute intentionnelles, La vie judiciaire, 24 avril 1972.
– La perte d’une chance, La vie judiciaire, 22 mai il 1972.
– La chirurgie esthétique, La vie judiciaire, 12 juin 1972.
– Périlleuses vanités (de l’article 262 du code pénal), D. 1972, chron. p. 157.
– La rupture de la promesse de mariage ou de fiançailles, La vie judiciaire, 24 juill. 1972.
– La responsabilité des entrepreneurs et exploitants envers les utilisateurs d’appareils ou d’animaux pour le sport, La vie judiciaire, 4 sept. 1972.
– Plaidoyer contre la peine de mort, Cité et Justice, déc. 1972.
– UBU et le PMU, La vie judiciaire, 8 janv. 1973.
– Le cheval, le jockey et le parieur, La vie judiciaire, 15 janv. 1973.
– Le code civil et le jeu, La vie judiciaire, 5 févr. 1973.
– Une justice pour notre temps, ou de la révolution par le Droit, L’Écho des Trois Monts, février 1973.
– Le prêtre, la gouvernante et les tribunaux, La vie judiciaire, 19 nov. 1973.
– Défense de la langue française, La vie judiciaire, 31 déc. 1973.
– Le savoir-faire technique, La vie judiciaire, 28 janv. 1974.
– Contrat de travail et vie privée, La vie judiciaire, 18 févr. 1974.
– Contre le « Bon pour »D. 1975, chron. p. 187 et s.
– Observations autour du contrat d’ingénierie, Rev. juris. com. 1975, p. 370 et s.
– De la réglementation des cumuls et du droit de reprise, L’Écho républicain, 23 juin 1976.
– Défense de la langue juridique, dans Défense de la langue française, déc. 1976.
– Du transfert de technologie, Rev. juris. com. 1977, p. 165 et s.
– Actualité du transfert de technologie, Cofral, déc. 1977 (brochure).
– Le Doyen Pierre Azard, Le Juris-Chrétien, 1979.
– Contre la peine de mort, Le Juris-Chrétien, 1979.
– Des contrats de distribution sans clause territoriale, Rev. juris. com. 1979, p. 121 et s., suite p. 161 et s.
– Investissements franco-yougoslave, Cofral, nov. 1979 (brochure).
– La détermination du prix dans les contrats de bière, Rev. juris. com. 1979, p. 374 et s.
– Le franchisage, JCP CI 1980, II, 13362.
– Hommage à Pierre Azard, dans Mélanges Pierre Azard, éd. Cujas, 1980, p. XVI et s.
– L’évolution des rapports contractuels dans les transferts de technologie, dans Mélanges Pierre Azard, éd. Cujas, 1980, p. 153 et s.
– Conformités et garanties dans la vente d’objets mobiliers corporels, RTD com. 1980, p. 231 et s.
– L’autogestion et la loi du 30 mars 1978 sur les investissements étrangers en Yougoslavie, Dr. et prat. du com. international, 1980, p. 374 et s.
– Conformités et garanties en Droit français de la vente, dans Les ventes internationales de marchandises, Économica, 1981, p. 232 et s.
– Variations autour de la protection du logiciel, Gaz. Pal. 1982, 2, doctr. p. 370 et s.
– Très brèves observations sur la nature des contrats relatifs aux progiciels, JCP G 1982, I, 3078.
– De la protection du logiciel, dans Émergences du droit de l’informatique, éd. des Parques, 1983, p. 21 et s.
– L’obligation de conseil du fournisseur, dans Émergences du droit de l’informatique, éd. des Parques, 1983, p. 35 et s.
– Proposition pour une réforme du droit des appellations d’origine, Gaz. Pal. 1984, 1, doctr. p. 107 et s.
– Du nouveau sur la protection du logiciel et la protection des idées, Rev. juris. com. 1984,. p. 65 et s.
– Le franchisage, JCP N, 15 janv. 1985.
– Des mérites et vertus de la responsabilité civile, Gaz. Pal. 1985, 1, doctr. p. 283 et s.
– Quelques aspects de l’évolution des contrats, dans Mélanges P. Raynaud, Dalloz, 1985, p. 349 et s.
– Quelques aspects des responsabilités professionnelles, Gaz. Pal. 1986, 2, doctr. p. 616 et s.
– De l’allègement de l’obligation de renseignement ou de conseil, D. 1987, chron. p. 101 et s.
– Participation au Vocabulaire juridique (direction G. Cornu), PUF, 1re éd. 1987, 12e éd., 2018.
– La vision chrétienne de l’entreprise, dans Exigences chrétiennes et droit de l’entreprise, Téqui, 1987, p. 61 et s.
– Déclin ou renaissance de la faute dans Droit de la responsabilité civile ? Bulletin de liaison de la conférence Saint-Yves, Luxembourg, déc. 1987.
– Maîtrise de la vie ou domination par la science ? Regards critiques d’un juriste et moraliste chrétien, La Pensée catholique, mars 1988, p. 39 à 73.
– Le contrat de maintenance, Gaz. Pal. 1988, 2, doctr. p. 446 et s.
– Henri Caffarel, Maître en oraison, Famille chrétienne, 15 sept. 1988.
– La verdeur de la faute dans la responsabilité civile (ou de la relativité de son déclin), RTD civ. 1988, p. 505 et s.
– L’assistance technique industrielle, JCP E 1989, II, 15375.
– Droits de Dieu et Droits de l’homme, Osservatore romano (éd. française), 17 janv. 1989.
– Les professionnels ont-ils du cœur ? D. 1990, chron. p. 23 et s.
– Liberté, égalité et fraternité dans le droit de la concurrence, Gaz. Pal. 1991, 2, doctr. p. 348 et s.
– Le chrétien et l’entreprise, dans « Un avenir pour l’Europe », Fayard, 1991, p. 75 et s.
– La modernité de la vision chrétienne de l’entreprise, Rev. Économie sociale, avril 1992, p. 121 et s.
– De l’évolution du mandat, D. 1992, chron. p. 157 et s.
– Quelques aspects de la publicité commerciale, Gaz. Pal. 1992, 2, doctr. p. 847 et s. ; repris par la revue tchèque Pràvni Praxe Provdnikàni 1993/7, p. 65 et s.
– La philosophie sociale de Jean-Paul II, dans « Jean-Paul II et l’éthique politique », préface A. Frossard, éd. Universitaires, 1992, p. 69 à 104.
– Le parasitisme dans tous ses états, D. 1993, chron. p. 310 et s.
– Détermination du prix dans les contrats-cadres de fourniture, Contrats, concurrence, consommation, 1993, chron. n° 11.
– La rencontre du management et du discours chrétien sur l’entreprise, dans « Histoire, gestion et management », ESUG-UT 1, 1993, p. 101 à 117.
– Les techniques contractuelles d’implantation à l’étranger (panorama synthétique), Gaz. Pal. 1994, 1, doctr. p. 161 et s.
 La spécificité et la subsidiarité de l’exception d’indignité, D. 1994, chron. p. 298 et s.
– La plume professorale est libre ! D. 1995, chron. p. 273 et s.
– De l’art et de la manière de négocier et conclure des contrats internationaux, Gaz. Pal. 1996, 1, doctr. p. 8 et s.
– Les agissements parasitaires, dans « Aspects contemporains du droit de la distribution et de la concurrence », Montchrestien, 1996, p. 69 et s.
– Existe-t-il une morale des affaires ? dans « La morale et le droit des affaires », Montchrestien, 1996, p. 7 et s.
– Les obligations professionnelles, dans Mélanges Louis Boyer, 1996, p. 365 et s.
– Allocution de clôture du colloque international Marcel Brion, à la Bibliothèque Nationale, dans « Marcel Brion, humaniste et passeur », Albin Michel, 1996, p. 230 et s.
– André Malraux, Annales de l’Université de Toulouse, 1996, p. 9 et s.
– L’action civile des associations, Annales de l’Université de Toulouse, 1996, p. 37 et s.
– Existe-t-il une morale des contrats internationaux ? dans « Éthique et droit des affaires », Librairie de l’Université d’Aix-en-Provence, 1997, p. 223 et s.
– La vente internationale, rapport de synthèse, Cahiers du droit de l’entreprise 1997/6, p. 313 et s.
– La francophonie, Annales de l’Université de Toulouse, 1997, p. 3 et s.
– De la spécificité du préjudice concurrentiel, RTD com. 1998, p. 83 et s.
– Des métamorphoses contemporaines et subreptices de la faute subjective, dans « Les métamorphoses de la responsabilité », PUF, 1998, p. 20 et s.
– La responsabilité des professions libérales, dans « Les professions libérales », LGDJ, 1998, p. 83 et s.
– La rupture des négociations contractuelles, RTD com. 1998, p. 479 et s.
– La responsabilité civile des acteurs de l’internet ; conversation à bâtons rompus, Expertises 1999, p. 419 et s.
– De la peur de l’an 2000 (libres et brefs propos), Les Petites Affiches 1er janv. 1999.
– Comment déjouer le mythe (sur le passage à l’an 2000), Gaz. des Trib. (Toulouse), 9 avr. 1999.
– La responsabilité du courtier, La revue du courtage, 1999, p. 27 et s.
– Idées et responsabilité civile, Annales de l’Université de Toulouse, 1999, p. 199 et s.
– La contribution du parasitisme à la défense de la marque, Droit et patrimoine, oct. 1999, p. 97 et s.
– La responsabilité des professionnels du droit, Revue du Notariat, Montréal (Canada), 1999/101.
– Retour sur le parasitisme, D. 2000, chron. p. 403 et s.
– Droit de la concurrence et droit privé, Rapport de synthèse, Cahiers dr. de l’entreprise 2000/3, p. 45 et s.
– Le Bon vent du parasitisme, Contrats, conc., consom. 2001, chron. p. 1.
 Folles idées sur les idées, Communication, commerce électronique 2001/2, chron. n° 2, p. 8 et s. Repris dans la revue Thèmes, sur le site internet de la Bibliothèque de philosophie comparée (www.philosophiedudroit.org ).
– Parasitisme et marque notoire, ou de l’application du régime général de la responsabilité en présence d’une lacune du droit spécial, Gaz. Pal. 2001, 1, doctr. p. 497 et s.
– Peut on entonner le Requiem du parasitisme ? Dalloz, Point de vue (12 avr. 2001).
– La responsabilité professionnelle. Une spécificité réelle ou apparente?, Rapport d’ouverture, Petites Affiches 11 juillet 2001.
– Quelques remarques terminologiques autour de la vente, dans Mélanges Pierre Catala, Litec, 2001, p.471 et s.
– De la modernité du parasitisme, Gaz. Pal. 2001, 2, doctr. p. 1590 et s.
– Le réveil des quasi-contrats, Contrats, conc., consom. 2002, chron. 22 (avec A. Zabalza).
– La transposition en Droit français de la directive du 25 mai 1997 : Les droits de l’acheteur, Cahiers dr. entr. 2003/1, p. 9 et s.
– La responsabilité des professionnels du droit, Rapport général (Panama), dans « La responsabilité, aspects nouveaux », Travaux de l’Association Capitant, LGDJ, 2003, p. 419 et s.
– La Commission des Nations-Unies pour le Droit du Commerce international, Rapport de synthèse du colloque de Toulouse, 25 oct. 2002, Petites Affiches 18 décembre 2003, p. 88 à 95.
– Fondements, bilan et perspectives de la responsabilité civile en Droit français, dans « Estudios de derecho civil »Libro homenaje a Fernando Hinestrosa, t. II, Universidad externado de Colombia, Bogotà, 2003, p. 209 à 265.
– Pot pourri (Réflexions incongrues autour de linformatique et de linternet), Communication, commerce électronique 2004/1, chron. n° 1.
– Reflexiones panoramicas sobre la responsabilidad civil, dans F. Trico Represas et M. Lopez Mesa, Tratado de la responsabilidad civil, tome IV, La Ley (Buenos Aires, Argentine), 2004, p. 901 à 951.
– Lentreprise au risque de léthique, Rev. de jurisprudence commerciale 2004/3, p. 219 et s.
– Pour une refonte du droit de la responsabilité civile, Actualités juridiques tunisiennes, n° 17, 2004, p. 187 et s.
– Lutilisation dune base de données, sur le site Juriscampus, janvier 2005.
– Lobéissance des dirigeants dentreprise, dans (collectif), Obéissance et liberté, Présence dEn Calcat, Hors série n°1, 2005, p. 89 et s.
– La notion de contrat électronique, dans (collectif), Les deuxièmes journées internationales du commerce électronique, Litec, 2005, p. 1 et s.
– La garantie de conformité du bien au contrat due par le vendeur au consommateur, Journal des sociétés, juin 2005, p. 40 et s.
 Les critères de la qualité de professionnel, Petites Affiches 12 sept. 2005.
– Propos douverture au colloque Le Droit de la distribution, Droit commun ou droit spécial ? LGDJ, 2005, p. 149 et s.
– La responsabilité civile, droit prétorien ou droit doctrinal ? dans (collectif) Les Facultés de Droit inspiratrices du droit ? PU Toulouse 1, 2005, p. 67 et s. ; repris dans la Revue de Droit d’Assas 2011/3, p. 41 et s.
– « Bien faire lhomme » : de la morale avant toute chose ! dans (collectif) Le Droit saisi par la morale, PU Toulouse 1, 2005, p. 21 à 51.
– L’immeuble et la responsabilité civile, dans Mélanges Roger Saint-Alary, PU Toulouse 1, 2006, p. 303 à 332 (avec J. Julien).
– La responsabilité du fabricant, dans (collectif) Journées Henri, Léon et Jean Mazeaud, La responsabilité civile, Petites Affiches 31 août 2006, n° 174, p. 24 et s.
– De la langue française et de la langue latine, dans B. Beignier et C. Bléry, Cours d’introduction au droit, Montchrestien, 2006, p. 393 à 415.
– De la modernité du chapitre du code tunisien des obligations et des contrats portant sur la responsabilité délictuelle, dans (collectif) Livre du Centenaire du code des obligations et des contrats, Centre de publication universitaire, Tunis, 2006, p. 425 à 436.
– Les responsabilités du fait d’autrui dans l’avant-projet de réforme du code civil, Rev. des contrats, 2007/1, p. 109 et s.
– In memoriam Gérard Cornu, Gaz. Pal. 17-19 juin 2007 ; repris dans la revue Thèmes, sur le site internet de la Bibliothèque de philosophie comparée (www.philosophiedudroit.org ), n° VIII/2008
– Brefs propos critiques sur la « responsabilité contractuelle » dans l’avant-projet de réforme du droit de la responsabilité, Dalloz 2007, chron. p. 2181 et s. ; traduit par José Gabriel-Rivera et publié par la Revista juridica (Lima, Pérou), mai 2013, p. 23 et s.
– Le Droit et l’éthique, dans Droit et technique, Mélanges à la mémoire de X. Linant de Bellefonds, Litec, 2007, p. 291 et s.
– Propos conclusifs, dans Qu’en est-il de la sécurité des personnes et des biens ?, LGDJ, 2008, p. 289 et s.
– La responsabilité civile extracontractuelle du fait d’autrui dans l’avant-projet de réforme du code civil, dans Mélanges G. Viney, LGDJ, 2008, p. 579 et s. (avec J. Julien).
– L’indemnisation, Rapport de synthèse (Québec), dans Travaux de l’Association Henri Capitant, t. LIV (éd. Société de législation comparée), 2008, p. 1 et s.
– In memoriam Jean Foyer, Gaz. Pal. 11-13 octobre 2008 ; repris dans la revue Thèmes, sur le site internet de la Bibliothèque de philosophie comparée (www.philosophiedudroit.org ), n° VIII/2008.
– Propos conclusifs, dans J.-B. d’Onorio (direction), L’Éthique du droit des affaires, Téqui, 2008, p. 129 et s.
– Le projet français de révision de la responsabilité civile. Une voie critique, dans B. Winiger (direction), La responsabilité civile de demain. Projets de révision nationaux et principes européens, Bruylant et Schutlhess (Genève), 2008, p. 181 et s.
– Speculum amicorum, dans C. Puigelier et F. Terré (direction), Jean Foyer, In memoriam, Litec, 2010, p. 185 et s.
–  La responsabilité civile, droit prétorien ou droit doctrinal ? Revue de Droit dAssas 2011/3, p. 41 et s.
– Responsabilité sociale des entreprises et Droit des affaires, dans F. G. Trébulle et O. Uzan (direction), Responsabilité sociale des entreprises. Regards croisés Droit et gestion, Économica, 2011, p. 243 s.
– La responsabilidad civil francesa, derecho doctrinal o derecho jurisprudencial? dans Responsabilidad civil, derecho de seguros y filosofia del derecho, Homenaje al profesor Javier Tamayo Jamarillo, Medellín et Bogotà (Colombie), 2011, p. 1375 et s. 
– Le Parasitisme, dans Mélanges Jean-Louis Baudouin, éditions Yvon Blais, Québec (Canada), 2012, p. 833 et s.
– Une vision insolite de l’éthique, dans C. Mengès-Le Pape (direction), Les Religions et le Droit,  PU Toulouse 1 Capitole, 2012, p. 23 et s.
–  Breves comentarios criticos sobre la responsabilidad contractual del anteproyecto de reforma del derecho de la responsabilidad, Revista juridica Thomson reuters (Pérou), mars 2013, p. 23 et s.
–  De la falsedad del concepto de responsabilidad contractual, dans Estudios de Derecho civil en memoria de Fernando Hinestrosa, Universidad extarnado de Colombia, 2014, tome 1, p. 673-709.
–  Le changement du droit de la responsabilité, Revue de droit dAssas, n° 10, févr. 2015, p. 97 et s.
–  La bonne foi dans l’interprétation du contrat, Revista Iberoamericana de Derecho Privado (Colombie), mai 2015.
– Retour sur la responsabilité professionnelle (avec J. Julien), dans Écrits de droit de l’entreprise. Mélanges P. Serlooten, Dalloz, nov. 2015, p. 489 et s.
Evolución de la responsabilidad civil ¿ De la prevención a la precaución ? Revista Iberoamericana de Derecho Privado, décembre 2016 (en ligne).
– LIllustre Gaudissart était visionnaire !  Communication, commerce électronique 2017/10, étude 16.
– Pour en finir avec la responsabilité contractuelle…, dans Mélanges J. Huet, LGDJ, 2017, P. 269 et s., avec M. Poumarède.
– Las tratativas preliminares a un contrato y la reponsbilidad extracontractual, Revista Argentina de Derecho civil, avril 2018.
-Menus propos sur le passage de la prévention au principe de précaution, dans Mélanges Azzedine Kettani, Casablanca (Maroc), 2018, p. 105 à 133.
– Sens et non-sens de la responsabilité civile en cas dinexécution du contrat (avec M. Poumarède), dans J. Le Bourg et C. Quézel-Ambrunaz (direction), Sens et non-sens de la responsabilité civile, CDPPOC (Université de Savoie), 2018, p. 233 à 250.
 La réciprocité dans les contrats, dans C. Mengès-Le Pape (dir.), La réciprocité : dimensions théologiques, juridiques et autres, PU Toulouse 1 – Capitole, 2019, p. 121-134.
– Le contrat :  de  léchange au partenariat,  dans Mélanges Jean-Marc Trigeaud, éditions Bière (Bordeaux), 2020, p. 563-594.
La faute dans le droit français de la responsabilité civile, Revista Iberoamericana de Derecho Privado, novembre 2020 (en ligne).
Las tratativas preliminares a un contrato y la responsabilidad delictual, Revista Argentina de derecho civil, juillet 2021, n° 11 (en ligne).
LHomme qui murmurait à loreille des auteurs, Dalloz 2022, Hommage p. 26 (avec N. Balat).
De lart du juriste dentreprise, Mélanges Alain Sériaux, Mare § Martin, 2023, p. 667 à 726.
Des algorithmes et les juges, Mélanges Loïc Cadiet, LexisNexis, 2023, p. 905 à 923.
Pour ou contre la responsabilité sana faute ? dialogue avec D. de Bonnaventure, Rev. de philosophie du Droit 2024:1, p. 159 à 168.

V. – QUELQUES ALLOCUTIONS INÉDITES

A. Soliloque dun jardinier des mots. 

Allocution prononcée lors de la cérémonie organisée par la Faculté de Droit de Toulouse, le 14 décembre 2007, à l’occasion de la publication de louvrage Libre Droit. Hommage au professeur Philippe le Tourneau, Dalloz, 1086 p.

« La vie est le livret d’une musique inconnue ». Dans laventure de la vie, une cérémonie comme celle d’aujourd’hui est marquante, ne serait-ce que parce que le récipiendaire est souvent un peu ridicule : Je n’y manquerai pas ! J’y vois un avantage : La honte de me donner en spectacle compensera le risque de la vanité qui pourrait résulter de cette manifestation. J’ai en effet décidé, pour ma réponse, de me dévoiler un peu, ayant renoncé à donner la leçon académique à laquelle j’avais d’abord songé, à savoir De la déontologie des professeurs d’Université. Il m’a semblé qu’il serait outrecuidant de traiter d’un sujet que l’auditoire connaît aussi bien que moi, voire mieux, et qu’en outre cette conférence aurait pu laisser entendre que je faisais la leçon à mes chers collègues ; Dieu m’en garde !

S’il est un sentiment estimable et non ridicule, vous en conviendrez, c’est celui de la gratitude. Ma gratitude s’élève naturellement, en premier lieu envers mes grands-parents, mes parents, et tous mes amis, dont je suis en quelque sorte fier ; ils comprendront que je ne puisse les citer ici. Ensuite, envers quelques uns de mes maîtres, quatre dans l’enseignement secondaire et quatre dans l’enseignement supérieur (Pierre Azard, Emmanuel du Pontavice, Pierre Raynaud et Henri Desbois) ; j’ajoute ceux avec lesquels j’ai eu la grâce de collaborer, les doyens Jean Carbonnier et Gérard Cornu, sans oublier les collègues des diverses Facultés dans lesquelles j’ai sévi, de Nanterre, Poitiers, Perpignan, Orléans et Paris XII, dont j’ai gardé un excellent souvenir. Mes remerciements s’adressent aussi à la prestigieuse Faculté de Droit de Toulouse, qui a bien voulu m’accueillir. En son sein, je me souviens avec émotion de mes merveilleuses équipes pédagogiques (dont la presque totalité des membres fait désormais partie du corps enseignant et qui m’ont fait l’amitié de venir aujourd’hui). La Faculté de Droit et mes équipes pédagogiques eurent la charité de me supporter ; oui, de me supporter, car je suis un marginal et une sorte d’insoumis. Malgré mes efforts pour gommer cette particularité, je n’y suis point parvenu. Certains ont pu en souffrir : Qu’ils veuillent bien accepter mes regrets. Cette marginalité a été accentuée par le fait qu’il m’a toujours été impossible de partager la pensée dominante, dans quelque domaine que ce soit. Je me console, en répétant un propos de Jean Guitton, selon lequel Être dans le vent est l’ambition de la feuille morte, et non pas un objectif pour une personne.

L’approfondissement intellectuel nécessite un lieu, un enracinement. Il est des sites inspirés, qui nous aident et nous portent à notre insu. Tels furent pour moi les bords de la Garonne qui me permirent d’écrire, en une décennie, dans mon petit grenier encombré de vieilleries des bords de ce fleuve, quelques pages que je portais en moi depuis des années. L’écriture, intense, fut sans doute un moyen inconscient de m’évader de l’espace et du temps. Très vite, Toulouse me parut bien mériter le titre de Palladienne que lui avait décerné le poète latin Martial (env. 40-140, ami de Pline), remarquant qu’elle était vouée à Pallas Athéna, la déesse de la raison et de l’intelligence, tout en étant protectrice des arts et des lettres. En arrivant dans cette cité, en 1990, je ne connaissais que le regretté Louis Boyer (depuis 1969), Patrick Serlooten (depuis 1972), le ménage Cabanis (depuis 1974) et Jacques Larrieu (depuis 1988) ; des relations et des amitiés nouvelles se nouèrent assez rapidement à la Faculté et au dehors, me permettant, sinon d’être considéré comme Toulousain, du moins de me sentir moins allogène. Tout professeur est d’un lieu, mais aussi d’une époque. Il est dans son temps et de son temps. Telle est la raison pour laquelle, quelque attaché que je sois à la tradition, j’ai toujours été attiré par les innovations et les disciplines nouvelles. Mais seul est maître authentique celui dont les idées et la doctrine échappent au temps.

Je reprends la litanie des remerciements, pour y ajouter évidemment les étudiants, raison d’être des enseignants, étudiants qui m’ont procuré de grandes joies. Et je ne cacherai pas que je suis souvent ému par les propos ou par les messages que m’adressent d’anciens disciples, affirmant avoir été marqués par mon enseignement ou par ma personne. Un professeur n’existe que pour les étudiants, mais aussi que par eux, grâce à eux ; et, s’il est digne de son titre, ils le forcent à donner le meilleur de lui-même, peut-être à se dépasser. Comme le souffle vital alterne expiration et inspiration, comme le battement du cœur vivifie l’organisme par systole et diastole, l’enseignant vit de donner et de recevoir.

Il me faudrait sans doute encore rendre grâce à tous les écrivains, peintres, sculpteurs, musiciens ; d’une façon plus générale, à l’immense cohorte des créateurs, dont j’ai apprécié les œuvres et, au-delà, à tous les hommes exceptionnels qu’il m’a été donné de rencontrer. Nul ne peut se rendre compte combien, dans ma vie, j’ai aimé admirer, au risque de paraître un peu niais, et aussi combien aigu est le don d’étonnement dont j’ai été gratifié.

Ce m’est également un plaisir singulier de remercier les personnes qui, tout en me forçant un peu la main, prirent l’initiative de l’ouvrage qui nous réunit ici ; à savoir, chronologiquement, Thierry Revet, Denis Mazeaud, Patrick Serlooten et Bernard Beignier ; mais c’est l’intervention d’un « collectif » de jeunes maîtres de conférences et jeunes professeurs de Toulouse qui parvint à obtenir mon consentement. Parmi eux il y avait Hugues Kenfack, qui a eu la tâche ingrate de préparer le livre et cette réunion. Je rends grâce encore aux auteurs qui m’ont fait l’honneur de contribuer aux Mélanges, cause de notre amicale rencontre de ce jour, dont je découvrirai avec un vif intérêt les apports (ayant reçu un certain nombre de lettres de collègues s’étonnant de ne pas avoir été sollicités pour cet ouvrage, je précise que le choix des contributions a été effectué par les organisateurs) ; et aux personnes qui ont bien voulu participer à cette fête dans l’intimité, venant parfois de loin : j’ai repéré dans l’assistance des amis notamment d’Aix-en-Provence, de Barcelone, de Bergerac, de Béziers, de Brest, de Carcassonne, de La Rochelle, de Lille, de Limoges, de Montpellier, de Narbonne, de Paris, de Perpignan, de Poitiers, et évidemment de Toulouse. Enfin, je ne saurais oublier les orateurs qui viennent de s’exprimer, tous très chers à des titres divers. D’abord, Patrick Serlooten représentant le président de l’Université. J’ai connu Patrick lors du concours d’agrégation et nous avons immédiatement sympathisé ; cette sympathie s’est transformés en amitié, qui s’est fortifiée au fil des ans. J’ai failli venir à Toulouse dès 1973, car Patrick, à l’issue du concours, a pendant une journée envisagé de me laisser venir à sa place dans cette ville. Si j’ai choisi d’y candidater en 1990, c’est probablement (fût-ce inconsciemment) en souvenir de cet espoir déçu. Protocolairement, après le représentant du président, ce fut au tour de Doyen, avec lequel je partage tant d’idées. Je suis dans l’admiration de son activité multidirectionnelle, et si variée que je me demande parfois s’il connaît exactement toutes les tâches et fonctions qu’il accepte. Je songe à écrire un ouvrage les recensant et en montrant leur cohérence. Il me souvient, mon cher Bernard, que la première fois que je vous ai rencontré, vous manœuvriez avec dextérité un encensoir. Il n’est donc pas étonnant que des volutes d’encens viennent de s’élever de votre personne à mon endroit. Nous avons aussi entendu Denis Mazeaud, ce savant clown, mais clown parfois un peu triste. Je me souviens encore que, lorsqu’il était mon étudiant, je fermais pudiquement les yeux quand, dans les couloirs de la Faculté, je le voyais lutiner les demoiselles. Sa vitalité et son exubérance sont exceptionnelles, et ont besoin en permanence d’un objet sur lequel se fixer. Si bien que, dans les congrès à l’étranger, où il est obligé de se tenir un peu tranquille et de se taire quelques instants, je lui sers d’exutoire, en quelque sorte de souffre douleur, certes à titre amical. Quant à Jérôme Julien, le benjamin des orateurs, je l’ai connu lorsqu’il était étudiant au premier rang, en deuxième année. Ayant été lauréat du concours entre les étudiants je l’avais convié à s’entretenir avec moi, lui avais conseillé de s’abonner à la Revue trimestrielle de Droit civil, et l’avais incité à songer à la carrière universitaire, ce qu’il fit puisqu’il est devenu maître de conférences puis, récemment, professeur agrégé. À partir de notre premier entretien, je l’ai rencontré souvent, il effectua sa thèse sous ma direction et maintenant collabore à plusieurs de mes publications. On me dit parfois, pour me flatter, que c’est mon clone, ce qui ne me flatte pas du tout mais m’agace prodigieusement, car je ne veux pas avoir de clone et, au demeurant, ne peut pas avoir de clone ! Je nuancerai les propos trop élogieux qui ont été émis cet après-midi par quelques confidences.

J’ai passé ma vie à donner le change, à « faire semblant », à faire semblant d’être en bonne santé, de me souvenir, d’être travailleur, intelligent, d’être cultivé, de réussir, et tutti quanti ; en définitive, en un mot, d’être ; alors que rien de cela n’est exact. Ceux qui m’honorent aujourd’hui se sont fiés aux apparences, sans se rendre compte que j’étais un comédien (mais il est vrai que tout professeur est un peu un acteur). D’un autre côté, et en quelque sorte à rebours, mon allure réservée me fait parfois considérer comme quelqu’un de froid et de renfermé. En réalité, il s’agit ici encore d’apparence, camouflant un tempérament sensible et attentif. En témoigne partiellement, je pense, l’écoute affectueuse des jeunes, et le soutien que je n’ai cessé de leur apporter, dans un jeu subtil de proximité et de distance, de direction et de liberté (qui, soit dit en passant, caractérise assez le rôle des directeurs de recherches). À ce propos, j’ai écrit quelque part que ceux-ci inclinant, non compellunt : Ils ne critiquent pas mais dirigent, ou, plus exactement, dirigent et encouragent plus qu’ils ne critiquent. Et ils font advenir ce qui est dans l’esprit du thésard. Leur mission est de « docere ignorantem, consulere dubitandi et consolari tristem » (instruire les ignorants, prendre soin de ceux qui doutent et fortifier les tristes, qui sont trois des œuvres de la miséricorde spirituelle selon saint Thomas d’Aquin).

Je ne suis pas un « spécialiste », ayant abordé nombre de disciplines, mais une espèce de dilettante, au sens actuel de ce mot, et aussi à celui de son origine (le verbe italien dilettare, se délecter). D’où mon goût pour les études transversales et pour les analogies, qui m’a toujours semblé une des manifestations de la curiosité et de l’agilité intellectuelles. « Qu’est-ce qu’avoir de l’esprit si ce n’est être capable d’étudier soudainement des rapprochements inattendus qui instruisent ou qui amusent ? […] Le trait d’esprit des ironistes et le trait de lumière des grands découvreurs relèvent au fond d’agilités intellectuelles qui ne sont pas sans parenté » (Louis de Broglie, cité par J. Duron, Langue française, langue humaine, Larousse, 1963, p. 138). Mon cursus chaotique y a contribué. Je suis passé d’un état à l’autre, d’une région à une autre, ballotté de ci de là au gré des hasards de la vie, comme une flammèche emportée par le vent d’autan. J’ai touché la politique et la vie retirée, ai été avocat et juge (en tant qu’arbitre), administrateur de société et consultant, plus encore professeur (il est vrai un peu par hasard, car j’avais envisagé d’embrasser toutes sortes de métiers, sauf celui-là).

À cet égard, en tant que professeur, je suis ému de me retrouver dans cet amphithéâtre, où j’ai passé certaines des plus belles heures de ma vie. En effet, j’ai aimé intensément mon enseignement, particulièrement celui de deuxième année. Je me rendais aux cours avec joie, et j’augmentais le plaisir en donnant, pendant le premier trimestre, deux heures supplémentaires tous les samedis matin. Je n’étais donc pas comme ces professeurs, évidemment d’une autre Université et dans un autre temps (à Bordeaux au XVIIIe siècle), que les étudiants avaient poursuivi en justice afin de les contraindre à faire cours (T. Zeldin, Histoire des passions françaises, Encres, t. 2, 1978, p. 358). Il m’a été plus qu’agréable de traiter du Droit des obligations, mais également de bien d’autres disciplines. Et, dans certaines maisons, il m’est arrivé plusieurs fois d’enseigner des matières que je ne connaissais nullement ; l’expérience est intéressante. Il est piquant de découvrir et d’apprendre au jour le jour, en même temps et au même rythme que les étudiants.

Je n’ai jamais borné mon enseignement au Droit (et encore moins au Droit dit positif) ; j’aime le mélange des genres et des styles, de sorte que mes cours ont toujours été assaisonnés d’aspects littéraires, historiques, géographiques ou politiques au sens noble. Surtout, au-delà, ils ont été émaillés de réflexions philosophiques et sur l’existence, car j’estime que la parole enseignante est forcément une parole dérangeante, transformante, parfois un glaive. Il est symptomatique qu’en latin instruire, signifie édifier, construire. Et que construire, sinon la personnalité des auditeurs ? Pour moi, le maître dévoile la réalité, montre la voie exigeante mais exaltante, car il n’est pas tant quelqu’un qui sait que quelqu’un qui est. Je me risque à dire que ce dont je parlais (le Droit) n’était qu’un prétexte. Car les vérités partielles et particulières, qui se rencontrent dans le Droit, ne sont que des applications d’une vérité d’ensemble plus vaste, la vérité de l’homme pour l’homme. Plus qu’un professeur de Droit, j’ambitionnai d’être un maître de vie… Je tentais de faire passer dans la naïve et insondable ignorance des étudiants un peu de ce que les ans, les joies et les épreuves de la vie m’ont appris, de les entraîner dans des sphères plus élevées et plus distinguées, fût-ce l’espace d’un regard, d’un sourire, d’un soupir. Au fond, ce qui m’aura probablement le plus captivé dans l’existence aura été d’éveiller la flamme qui dort dans chaque jeune, qui aspire à s’élever ; d’amener à la pleine lumière l’être potentiel de qualité, qui se lamente en attendant délivrance. Je rêvais de rendre leur esprit réceptif, comme une harpe qui attend le vent, un étang prêt à être troublé, un parfum à s’exhaler, une fleur à être butinée… Je me voyais tel un semeur jetant des graines à la volée : À eux de les faire germer et croître. Les fleurs se fanent, les herbes se dessèchent, les feuilles tombent (les cheveux aussi…), mais les paroles de vérité demeurent.

Nul ne transmet un message pour le plaisir de le transmettre, mais bien pour répondre à une intime conviction, et à une nécessité intérieure puissante. Ce n’est pas surprenant, car le mot de professeur a la même racine indo-européenne que celui de prophète. Cette attitude, liée à de vives convictions, me vaut quelques solides inimitiés. Tant pis ! Voici une anecdote à ce propos : À Napoléon, qui s’apprêtait à engager comme collaborateur un jeune homme aimé de tous, Talleyrand adressa cette surprenante mise en garde : Sire, ne le prenez pas. Que Votre Majesté sache qu’il n’a même pas été capable de se faire un ennemi ! Talleyrand avait raison : Un individu sans ennemi est nécessairement un homme sans croyances, sans système de valeurs, sans vision du monde, sans idéal, sans courage… Il faut accepter d’être en froid avec certains, dès lors que l’on entend rester fidèle à sa conception du monde, et à l’essentiel de ce que l’on croit.

J’ai toujours souhaité que mes auditeurs approfondissent sans cesse leur connaissance du Droit, non pas des règles, mais du Droit en profondeur, de ses méthodes, raisonnements, objectifs et finalités. Je leur disais qu’à l’issue de ce déchiffrement, j’aimerais qu’ils découvrissent que, débarrassé de ses oripeaux que sont l’excès d’une législation tatillonne et d’une jurisprudence informe, le Droit est liberté, amour et vérité. Du Droit découle que la vie est sacrée, le bonheur fragile mais possible, l’avenir imprévisible mais ouvert. Sa finalité est la justice, associée à la miséricorde. Le Droit pousse au réalisme, mais en même temps à l’optimisme et à l’espoir. J’affirmais que le droit participe de la culture, car il n’est pas de réalité humaine qui ne soit déjà culture, y compris la religion. Or, la culture se fonde dans la tradition, tout en donnant sens au présent et contribuant à déterminer l’avenir. Je formulai même le vœu utopique qu’ils finissent par percevoir le Droit comme un ami, une musique légère, un parfum délicat, une eau fraîche qui les régénère et les révèle à eux-mêmes ! Toutefois, je gardai modestement les pieds sur terre, sachant que, comme le disait je crois Alain, rien ne peut faire d’un crocodile autre chose qu’un crocodile (ou, si vous préférez, rien ne peut faire d’un sot autre chose qu’un sot) ; il faut s’y résigner : Stultorum hominum quorum immensa turba est (dixit mon ami saint Augustin, ce qui peut se traduire par La foule des imbéciles est immense ; vous le voyez, c’est moins joli qu’en latin. J’aurai pu chanter cette phrase sur une mélodie grégorienne, comme je le faisais parfois en cours ; je m’en suis bien gardé, car il y a dans l’assistance des spécialistes du chant grégorien).

En tant qu’enseignant, directeur de recherches, membre de jury de thèse, j’ai la fâcheuse réputation, à mon sens largement controuvée, d’avoir été et d’être d’une extrême sévérité, alors que je m’efforce simplement d’être juste, c’est-à-dire de remplir pleinement mon « devoir d’état ». J’ose espérer avoir le cœur doux, bien qu’avec l’esprit dur ; la vérité n’est pas incompatible avec la charité. Au demeurant, je considère que la rigueur d’un enseignant témoigne qu’il respecte et estime les étudiants ou thésards. L’indifférence et le mépris, dans ce métier, conduisent au contraire à la facilité et à la démagogie. La flatterie est la politesse du mépris. Ajoutez à cela, qu’à mon sens, nul ne mérite d’être loué de son indulgence s’il n’a pas le courage d’être sévère.

Pour achever le tableau de mes activités, il faut citer celle d’auteur. D’autant plus, que telle est sans doute ma vocation profonde, de sorte que méditer puis écrire (même dans ce domaine réputé rébarbatif qu’est le Droit) m’apparaît parfois être la seule vie authentique, le reste n’étant qu’illusions éphémères et futiles, comme s’il fallait écrire pour découvrir le monde et, plus encore, pour se connaître. Se connaître, voire connaître tout court. En effet, j’ai parfois compris l’écriture comme une voie d’accès à la connaissance, au fond un moyen d’apprendre, de découvrir ce que l’on ignorait tout en en traitant. Cette proposition est certes paradoxale, mais la vie est emplie de paradoxes, qui en sont un des charmes. Et, au demeurant, disserter sur ce que l’on ne connaît pas n’est-ce pas la fonction du chercheur ? Je me demande même parfois si écrire n’est pas vivre deux fois.

Tout acte créateur, dans quelque domaine que ce soit, y compris par conséquent la création de textes, abolit le temps. Aussi, je puis rester dix heures devant ma table de travail, sans m’en rendre compte : D’où, je m’enveloppe de solitude et de silence, au point de passer certaines semaines sans parler à âme qui vive (vous me direz qu’il me reste la possibilité de converser avec des âmes mortes, ce dont je ne me prive pas). Écrire implique une ascèse, un certain renoncement à soi-même, et nécessite de créer une sorte de désert autour de soi : L’écrivain est un solitaire. « Les livres sont l’œuvre de la solitude et les enfants du silence » (Proust) ; que les thésards présents dans cette salle se souviennent de cela ! Dans notre monde, obsédé par la communication (au point que plus personne n’ose circuler dans la rue sans avoir un mobile collé à l’oreille pour prévenir ses relations de sa localisation exacte), tout à l’inverse je goûte le silence ; j’aime le savourer, et plus encore l’écouter, car le silence est riche ; oserai-je dire qu’il est sonore ? J’en viens même à penser que le silence est un bienfait, indispensable à la maturation spirituelle, et qu’il y a une mystique du silence (V. le bel ouvrage de Jacques Vigne, La Mystique du silence, Albin Michel, 2003 ; et le très beau documentaire sur le Grande Chartreuse, Le Grand silence, de Philippe Gröning, 2006) ; que, loin d’être un frileux repli sur soi, il est ouverture sur la plénitude. Et, ermite dans le brouhaha de la ville, je demeure tapi dans le labyrinthe des phrases. Je n’ai cessé de tisser, d’interposer entre le monde et moi, le filet des mots silencieux dans tous les coins de la chambre noire (paraphrase de P. Reverdy, « Tisser, interposer entre le monde et soi/le filet des mots silencieux/dans tous les coins de la chambre noire », vers inédits dans un manuscrit qui se trouvait dans la bibliothèque de Coco Chanel, cités par Edmonde Charles-Roux, L’Irrégulière ou mon itinéraire Chanel, Les Grands livres du mois, 1974, p. 352). Il faut l’avouer, tout en n’en déterminant point la cause, j’éprouve une certaine difficulté à vivre « comme tout le monde », à « être dans le jeu », et à me prendre au sérieux. L’écriture, qui m’est chère, est ma faiblesse et aussi ma force. Je ne redirai pas ce que tous les écrivains rapportent de leur labeur sur la forme, qui se dissocie mal du fond, sur le style, à qui incombe la mission de dévoiler au mieux la pensée, son polissage incessant, tourment infini, tout autant que plaisir intense et jubilation de tout l’être. Le créateur de formes est toujours un oiseleur, essayant de saisir et d’emprisonner les plus élégants oiseaux dans la forêt enchantée dans laquelle il se meut. Me plaçant dans le sillage de quelques illustres devanciers, j’ai ambitionné, non sans quelque présomption, de renouveler les noces du style et de l’esprit, regrettant tellement le divorce qui existe parfois entre eux, certains savants écrivant en charabia, tandis que l’obscurité d’autres cache mal l’insuffisance de leur travail. Assurément, j’apprécie la saveur de la spontanéité et du caractère primesautier de certains écrivains, mais à condition que leurs propos soient enlevés. Je suis persuadé que « le style n’est qu’une manière de penser » (Flaubert, lettre à Ernest Feydeau [père de Georges], mai 1859, in Flaubert, Correspondance, Pléiade, t. III, 1991, p. 21), et que « la beauté du style est le signe infaillible que la pensée s’élève » (Proust, Correspondance, t. XIX, Plon, 1991, p. 635). L’amour porté à la langue française, et à sa musique délicate, fut si vif qu’il fut exclusif, m’empêchant de jamais maîtriser parfaitement aucun autre idiome, comme si cela constituait une trahison, alors même que, grand voyageur dans ma jeunesse, j’étais attiré par des civilisations, cultures et peuples étrangers. La langue comprend l’infinie richesse du vocabulaire, de mes amis les mots, vieux serviteurs jamais las de remplir leur office de décrire les mystères de la réalité, les mots que je cultive jalousement, tel un jardinier. J’aime chercher le vocable juste, qui convient, tant par son sens que par sa sonorité, car un texte doit être musical tout autant que conceptuel.

Souvent, au cours de mes recherches, j’ai été dirigé dans une direction par l’intuition, plus que par la réflexion. Je crois au rôle de l’intuition, et aussi de l’imagination, dans les travaux intellectuels mêmes scientifiques. Mieux, j’ai parfois bénéficié d’idées s’imposant à moi comme des évidences, dans des propositions bien frappées, prêtes à l’emploi, dans une sorte d’éclair, alors qu’elles étaient inconnues ou contraires à la doxa reçue. Je voyais celle-ci se dissiper brusquement, comme le brouillard au soleil levant de l’automne. Le plus ardu venait alors, consistant à argumenter ces intuitions et ces éclairs. La déception, voire l’amertume, s’ensuivait, non seulement de l’éventuelle inadéquation de la formulation par rapport à la conception, mais aussi de la constatation que les propositions ne recevaient nul écho ; du moins jusqu’à ce que, tardivement, elles fussent éventuellement reprises par des suiveurs, parfois y compris dans les mêmes expressions originales, suiveurs citant ou non leur source. Pour un auteur, l’incompréhension ou, pire, l’indifférence des autres, est une souffrance, lui confirmant douloureusement sa propre insatisfaction.

Mes écrits sont assez divers, même si j’ai tendance à revenir indéfiniment sur chaque sujet, par une sorte de rumination, tout en le développant progressivement. En effet, j’ai souvent abordé un thème de façon succincte, dans une note ou une chronique, puis dans un fascicule ou une brochure, enfin dans un livre substantiel (ce fut notamment le cas pour l’ingénierie, les contrats de concession, les contrats de franchisage, les contrats informatique, la responsabilité civile professionnelle, la responsabilité des vendeurs et fabricants, le parasitisme, ou l’éthique des affaires). Avec le recul du temps, je me rends compte que mes œuvres, qui parlent entre elles, sont comme une présence, si je puis dire, car loin d’être aseptisées, elles reflètent une personnalité et comportent une vision du monde, assortie de messages, plus ou moins explicites, sur les grands débats de société.

À mon sens, la qualité d’un auteur ne se mesure pas à l’étendue de ses connaissances, à ses performances de compilateur, ni à son érudition le faisant ressembler à un donjon désaffecté qui aurait été aménagé en bibliothèque (pour reprendre une piquante comparaison de Proust, que j’ai déjà cité dans un colloque ici) ; mais bien à sa capacité de goûter les nouveautés, et d’imaginer des solutions inédites. « La véritable connaissance est création », disait Valéry. Je vois le maître comme un briseur de tabous, un interrupteur de traditions sclérosées, face aux gardiens du temple (rétifs à toute innovation majeure [qu’ils regardent comme un saut périlleux dans l’inconnu, et détruisant le quiet équilibre des choses, ou du moins la vision qu’ils en ont], mainteneurs des vestigia, des traces laissées par l’histoire). L’homme de doctrine m’apparaît certes comme un héritier du passé, mais en même temps comme un créateur, participant au mouvement du monde vers l’avenir. Savant peut-être, mais sans qu’il se complaise dans l’élaboration de systèmes, tout en restant attentif aux données économiques et sociales comme aux besoins du monde, qui évoluent incessamment. Le jurisconsulte doit s’immerger dans la boue de la réalité : Il ne lui est plus possible de s’isoler dans sa tour d’ivoire, à l’abri des rumeurs de la vie, pour y élaborer des théories éthérées. Enfin, les constructions les plus simples sont les meilleures. Je considère la simplicité comme une vertu ; elle n’est ni pauvreté ni indigence mais, selon son étymologie, ce qui est sans pli, tout uni et tout droit. La simplicité, dans la forme comme dans la substance, demande plus d’efforts que l’embrouillamini, et la complexité n’est souvent que le fruit de la paresse intellectuelle. Pour autant, il est des matières impliquant une certaine abstraction, telle la philosophie du Droit qui, de ce fait, sont ardues par nature.

Peut-être que le regret le plus vif suscité par l’accumulation des ans est de s’avouer l’évidence que, non seulement l’on ne pourra plus découvrir de nouveaux champs de la connaissance, mais aussi que, hormis la vie intérieure (contre laquelle tout conspire dans la civilisation contemporaine), l’on ne pourra plus progresser, que notre personnalité, nos travaux et notre écriture ne s’amélioreront plus, volens nolens. J’ai pris acte de cela, de sorte que je n’attends rien, et suis donc certain de parvenir à mes fins ! Pour autant, je continuerai de travailler, tout en m’efforçant de parvenir à respecter un jour les fameuses et funestes 35 heures… Mais je compte m’imposer une occupation supplémentaire et ardue : Celle de tenter de vieillir sans devenir vieux (je ne parle évidemment pas du corps, mais de l’esprit) ; de vieillir sans devenir vieux s’il n’est pas déjà trop tard, en relevant ce que les ans m’apportent plutôt que ce dont ils me privent (ainsi, le temps qui passe me révèle tout ce qu’il m’enlève…) ; et de vieillir sans tomber dans les vains regrets ou l’insidieuse et mauve nostalgie (tout en constatant que je suis arrivé à un moment où les souvenirs prennent le pas sur les rêves). De toute façon, pour moi, la nostalgie ne saurait être celle du temps de ma jeunesse (du reste époque peu folichonne de guerre, d’austérité et de pénurie qui ont subsisté plusieurs années après la guerre), mais celle d’avant 1789 (certains d’entre vous le savent, bien que démocrate et rallié à la République à l’instigation de Léon XIII, je ne me suis jamais réellement remis des événements de cette période) ; et, en vérité, je confesse en catimini que ma plus grande nostalgie est celle du beau et grand Moyen Âge, époque prodigieuse, ou apparurent en France l’art roman puis l’art gothique, qui couvrirent l’Europe d’abbatiales, de cloîtres, de chapelles, de cathédrales et d’innombrables œuvres de toutes sortes. Cette époque fut aussi le temps du chant dit grégorien, de la naissance des Universités (dont celle de Toulouse en 1229), de la redécouverte des philosophes grecs et du Droit romain, de la renaissance urbaine, du renouveau commercial et du premier essor de l’économie européenne (avec les foires, le commerce international, l’apparition des sociétés de capitaux, à Toulouse, au Bazacle, tout près de la Faculté de Droit : cf. G. Sicard, Aux origines des Sociétés Anonymes, les moulins de Toulouse au Moyen-Âge, Colin, 1953), sans compter la première révolution industrielle (avec plus de 200 inventions, dont celles du gouvernail d’étambot, du collier de cheval, de la boussole, de l’imprimerie, de l’horloge mécanique, du canon, des lunettes, du moulin à eau, etc. ; la révolution industrielle du XVIIIe siècle ne fut que la deuxième). Surtout, ne répétez pas ces confidences à l’extérieur, car on me prendrait pour un fou… (ce que je suis sans doute…).

Pour terminer, je préciserai que, malgré mon pessimisme foncier (lié sans doute à mon grand attrait pour l’histoire, celle-ci relatant tant d’événements dramatiques), qui au demeurant me réserve de temps à autre d’heureuses surprises, j’ai confiance en l’avenir. Je suis profondément allergique aux modes actuelles des « déclinologues » professionnels, de la perte de confiance dans le progrès et du catastrophisme technophobe (associé à son sous-produit, le journalisme d’épouvante). Il ne se passe pas de jours sans que les médias prophétisent quelque nouveau péril pour l’avenir. D’une société animée à l’excès par l’ivresse du progrès, nous sommes passés insensiblement à une société minée à l’excès par le risque et la peur qu’il suscite, avivée par certains idéologues écologistes (dont les suggestions sont souvent très contestables : Cf. J. de Kervasdoué, Les prêcheurs de l’apocalypse. Pour en finir avec les délires écologiques et sanitaires, Plon, 2007). Alors que jamais les Français n’ont vécu aussi bien et aussi longtemps (leur espérance de vie est la plus longue du monde après celle des Japonais), que jamais la France n’avait connu une aussi longue période de paix (souvenez-vous qu’elle fut en guerre de façon quasiment constante de 1790 à 1962). Foin de tous ces Cassandre ! J’ai confiance dans l’avenir, parce que j’ai confiance dans l’inventivité des hommes et particulièrement dans l’ardente jeunesse qui hante cette maison, tant du reste parmi les enseignants que parmi les étudiants, même s’il m’arrive de trouver que leur vocabulaire est indigent, et limitée leur connaissance des règles de la bienséance. J’ai confiance dans l’avenir. Or, figurez-vous, l’avenir m’intéresse car, pour reprendre la formule d’un humoriste, « c’est là que j’ai l’intention de passer mes prochaines années », afin de continuer l’aventure d’être en vie…

B. – Discours lors de la remise des prix aux lauréats des concours de la Faculté de Droit de Toulouse, le 16 avril 2003.

Notre nomophylax a voulu que cette cérémonie revêtit un caractère solennel. Ce mot grec de nomophylax que je viens d’employer doit vous intriguer. Son sens est très beau : Il signifie gardien de la loi, et tel était le titre du doyen de la Faculté de Droit de Constantinople à partir du XIe siècle. Je propose que désormais cette qualification soit utilisée pour désigner notre doyen. Je reviens à notre séance, à sa solennité manifestée par la robe de cérémonie portée par les professeurs. Cette tenue symbolise l’indépendance de notre parole doctrinale et, les deux choses sont liées, notre inamovibilité. Il est d’autant plus justifié de la porter dans cette partie de la France, le sud de la France au sens large, que les Romains la désignaient sous l’expression de Gallia togata, la Gaule togée (revêtue de la toge), par opposition à la plus grande partie de notre pays actuel qu’ils appelaient la Gallia comata, c’est-à-dire la Gaule chevelue, sous-entendu la Gaule barbare (mais chevelue fait plus allusion au nombre des forêts denses et sombres qu’à l’habitude gauloise de porter les cheveux longs). Je ne me sens nullement barbare. Et vous constatez combien l’image de chevelu est inadaptée à mon cas, et du reste aussi à celui de notre nomophylax.
Mais pourquoi cette cérémonie solennelle ? Parce que ce jour est important, dans la mesure où il date votre intronisation dans une élite, se distinguant de la masse considérable des 18 000 étudiants (et plus) de notre Université, l’élite des lauréats. C’est un titre dont vous pourrez vous prévaloir, et mentionner sur vos cartes de visite (mais il serait probablement exagéré d’apposer une plaque sur l’entrée de votre immeuble signalant ce haut fait). Lauréat vient du latin laureatus, voulant dire orné de laurier, car autrefois les intéressés se voyaient remettre une couronne de lauriers. Imaginez combien cela serait charmant de vous couvrir le chef ainsi, et que vous parcourussiez dans cet état les rues de la cité. Le laurier est un des symboles de la vérité (pour une raison que j’ignore) et, étant une plante aux feuilles persistantes, un des symboles de l’immortalité, en l’espèce celle qui découle de votre distinction. Évidemment, il faut relativiser un peu la portée de celle-ci : Il n’est pas assuré que dans deux ou trois siècles la postérité se souvienne que tel ou tel d’entre vous a été lauréat de la Faculté de Droit de Toulouse en 2003. Toutefois, vous pouvez en tirer une légitime fierté, à la mesure de la célébrité de votre Faculté, célébrité qui est ancienne (moins peut-être que sa fondation qui remonte à 1229). Je n’en retiendrai pour preuve qu’un quatrain du XIVe siècle, classant les mérites des grandes Universités de l’époque (comme Le Monde de l’éducation le fait régulièrement pour les Universités contemporaines), l’étudiant doit aller à Paris pour voir (la capitale est pleine de monuments, et c’est là que réside en général le Roi lorsqu’il n’est pas en province, ce qui était assez fréquent, ou à la tête de ses armées), à Lyon pour avoir (c’était la ville du commerce et des foires, et Lyon est sur l’axe qui mène des cités du Nord de l’Italie aux foires de Champagne et aux prospères villes des Flandres), à Bordeaux pour dépenser (je ne sais pas trop la cause, peut-être en raison de l’excellence du vin, qui est onéreux ; et une fois qu’il est pris de boisson, il est probable que l’étudiant cédera à d’autres tentations onéreuses). J’avais annoncé une quatrième ville, c’est évidemment Toulouse. Une fois que l’étudiant a vu à Paris, eu à Lyon, dépensé à Bordeaux, il lui faut enfin se rendre à Toulouse, et à Toulouse pour quoi faire ? eh bien pour savoir. Oui, pour savoir. Toulouse s’enorgueillit d’être la ville de la connaissance, et vous en êtes de brillants témoins.
L’usage voudrait que je vous félicitât, comme à chaque fois qu’une distinction est décernée. Mais je ne céderai pas à cet usage ; sans doute je ne vous critiquerai pas et ne vais pas jeter l’opprobre sur vous ; mais il me semble préférable de vous donner comme une feuille de route, car les distinctions honorent mais imposent des exigences. Or la culture, dont le Droit est un élément parmi d’autres, n’a d’intérêt et de sens que si elle permet de mieux vivre.
Elle n’est pas un savoir à répéter, mais un savoir pour comprendre et être plus homme. Aussi, la parole enseignante est forcément une parole dérangeante et transformante. Il est symptomatique qu’en latin instruire, signifie édifier, construire ; et que construire, sinon votre personnalité. Et sachez que la rigueur d’un enseignant témoigne qu’il vous respecte et vous estime. L’indifférence et le mépris, dans ce métier, conduisent au contraire à la facilité et à la démagogie.
Je souhaite que vous approfondissiez sans cesse votre connaissance du Droit, non pas des règles, mais du Droit en profondeur, de ses méthodes, raisonnements, objectifs et finalités. À l’issue de ce déchiffrement j’aimerai que vous découvriez que, débarrassé de ses oripeaux que sont l’excès d’une législation tatillonne et d’une jurisprudence informe, le Droit est liberté, joie, amour et vérité. Du Droit découle que la vie est sacrée, le bonheur fragile mais possible, l’avenir imprévisible mais ouvert. Le Droit pousse au réalisme, mais en même temps à l’optimisme et à l’espoir.
Apprenez à être maître de votre être, c’est-à-dire à maîtriser votre corps et votre esprit. Vivez dans l’instant ; ne permettez pas au passé de dévorer le présent par des regrets stériles, ni à l’avenir d’envahir le présent par la crainte. Développez votre vie intérieure sans vous laisser submerger par le vide extérieur, le bruit, les paroles inutiles et superficielles. Ayez des convictions fermes, et tâchez de vous forger une opinion personnelle sur tous les sujets (c’est une condition de la vraie liberté), sans répéter bêtement ce que tout le monde dit. Ne hurlez pas avec les loups, et ne chantez pas avec les sirènes. Sachez admirer plus que critiquer, proposer plus que dénigrer, aimer plus que dédaigner, remercier plus que récriminer, offrir plus que réclamer, agir plus qu’être passif, vous dévouer plus qu’être assisté ; être altruiste plus qu’égoïste, solidaire plus qu’individualiste, ironique plus que sarcastique. Vaste programme assurément, et encore n’ai-je pas tenté d’être exhaustif.
Mes propos sont sans doute inhabituels. Vous l’avez deviné, pour moi le maître dévoile la réalité, montre la voie exigeante mais exaltante, car il n’est pas tant quelqu’un qui sait que quelqu’un qui est.
Je termine en souhaitant une longue vie de labeur, de réflexions, de méditations et de joies à la nouvelle cohorte des lauréats, qui rejoint ceux qui, revêtus de la robe, furent lauréats, naguère ou, dans mon cas, jadis !

Annexes

1) Dates de fondation de quelques Universités : Paris 1200 ; Montpellier et Toulouse 1229 ; Avignon 1303 ; Angers et Orléans 1306 (date de la création officielle ; mais le Droit fut enseigné à Orléans dès 1219, date à laquelle le Roi Philippe-Auguste obtint du Pape Honorius III la décrétale Super specula interdisant d’enseigner le Droit à l’Université de Paris ; Philippe-Auguste, qui avait vaincu l’empereur d’Allemagne à Bouvines en 1214 craignait que le Droit romain nourisse les prétentions du vaincu, qui se prétendait l’héritier des empereurs de Rome) ; Cahors 1331 ; Perpignan 1349 (devenue française en 1659) ; Orange 1365 (devenue française en 1713) ; Aix-en-Provence et Caen 1452 ; Nantes 1460 ; Bordeaux 1473 ; Strasbourg 1538 (devenue française en 1681) ; Pau et Dijon 1722.
2) Du XVe au XVIIe siècles la peregrinatio academia conduit les étudiants d’Université en Université (à laquelle fait allusion le quatrain cité au texte).
3) En visite à Toulouse en 1533 le Roi François 1er, d’heureuse mémoire, octroya à l’Université de cette ville le droit d’armer des docteurs chevaliers ès lois, et de leur remettre les insignes de la noblesse : l’épée, le baudrier et l’épée, puisqu’ils entraient dans la milita legum, la chevalerie des juristes. Les docteurs recevaient déjà, comme marques de leur dignité, l’anneau, le bonnet carré et la cathèdre (le premier évoque le mariage d’amour et de fidélité avec la recherche et le savoir ; la troisième est le siège propre de qui enseigne, à l’origine l’évêque, de sorte que ce mot a donné celui de cathédrale).

C. – Rapport introductif au colloque tenu à Toulouse le 16 mars 2001 sur LOI ET CONTRAT

Præco diei jam sonat,
Noctis profundæ pervigil,
Nocturna lux viantibus
A nocte noctem segregans.

Hoc excitatus Lucifer
Solvit polum caligine :
Hoc omnis erronum cohors
Viam nocendi deserit.

ce qui peut se traduire par :

Déjà chante l’oiseau précurseur du jour,
gardien très vigilant au milieu des ténèbres,
lumière nocturne guidant les voyageurs
durant les veilles de la nuit.

S’éveillant à sa voix,
l’étoile du matin dissipe les ombres terrestres ;
à sa voix toute la cohorte des esprits mauvais
quitte le chemin de la malfaisance.


Il s’agit d’un passage de l’hymne que les moines chantent le dimanche à Laudes. Pourquoi l’avoir cité ?

Parce qu’il explique la situation dans laquelle nous nous trouvons, certes dans la réalité, le jour est né il y a peu (même si la salle dans laquelle nous siégeons tient de la cave, de sorte qu’elle ne le laisse guère voir) ; mais surtout symboliquement. Je m’explique. Le Centre de philosophie du Droit, auquel j’avais redonné vie, vient de passer dans des mains plus jeunes et plus dynamiques : celles de Thierry Revet. Du reste, il a élargi très heureusement son domaine à la théorie générale avec, au surplus, le dessein de le rendre pluridisciplinaire, en permettant la confrontation des idées entre privatistes, publicistes, historiens, comparatistes, etc. À sa voix, les ombres terrestres que je représente, en tant que figure du passé, se dissipent au bénéfice de la lumière de l’avenir. Et, comme le dit cette pièce vénérable, à sa voix la cohorte des esprits malveillants s’éloigne.

J’avais primitivement songé à une autre hymne, celle des matines du lundi, dont une strophe dit que les ténèbres cèdent devant la lumière, et les ombres devant l’astre radieux (Cedant tenebræ lumini, Et nox diurno sideri); mais j’ai trouvé que comparer Thierry Revet à l’astre radieux était un peu excessif, et de toute façon nous sommes trop éloignés de l’heure de Matines.

Le nouveau directeur m’a prié de prendre la parole ce matin en premier. Je me suis demandé s’il s’agissait de présenter un rapport de clôture d’activité, un bilan, ou si au contraire il fallait ouvrir les perspectives d’avenir, tracer un programme, voire tout simplement annoncer l’objet de la présente journée d’étude. J’ai cru comprendre que c’était cette dernière mission qui m’incombait.

Mais dans ce cas, je ne me sens guère à l’aise, et crains de ne prononcer plus un rapport d’inquiétude qu’un rapport introductif. Car, comme je l’ai indiqué en tête en tête à notre organisateur, moi qui ai la réputation d’avoir la langue bien pendue et la plume alerte, je me trouve désemparé devant le sujet et les thèmes qui seront abordés, dont j’ai peine, pour certains d’entre eux, à savoir ce qu’ils visent ; ce qui prouve qu’il était temps que je quittasse la place. Et pour les autres sujets, ceux qui ne suscitent pas mon étonnement, je craindrais en les effleurant de tomber dans la banalité de propos éculés. Il ne faudra donc pas vous étonner si, dans un instant, je me contenterai de survoler de très haut la matière, et si je poserai plus de questions que je n’exprimerai d’opinions tranchées.

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La doctrine contemporaine est marquée par la multiplicité des colloques en tous genres, y compris touristiques, gastronomiques ou culturels. Je suis émerveillé par l’imagination des organisateurs de telles rencontres, qui trouvent toujours de nouveaux sujets, ou au moins partiellement nouveaux. Les communications deviennent des articles, et constituent une mine de réflexions et une masse impressionnante de documentation. Mais il arrive à l’inverse que ce soit un article qui suscite un colloque ; même si Thierry Revet s’est bien garder de m’en rien révéler, je crois deviner qu’il en est ainsi du nôtre, écho et prolongement de la roborative étude de Pascal Ancel, publiée par la Revue trimestrielle de Droit civil en 1999.

Le contrat est un instrument juridique aussi vieux que la civilisation. Son utilisation par les sujets de droit n’est pas mesurable, tant elle est immense. En outre, le contrat conditionne et permet le fonctionnement des entreprises, donc la richesse des nations comme la vie des citoyens. Les sujets de droit, personnes morales comme personnes physiques, ne cessent d’inventer de nouveaux contrats, correspondant aux besoins qu’ils ressentent. Enfin, le législateur lui-même en imagine de nouvelles applications, parfois dans des domaines où sa présence ne s’imposait pas (je songe notamment au Pacte civil de solidarité, que l’art. 512-2 du C. civ. définit comme un « contrat »). Aussi aurait-il été plausible de croire que, sur le contrat, tout était dit. Ce n’est pas le cas : Il ne se passe pas de saison sans un réunion savante destinée à en explorer quelque aspect inattendu, à remettre en cause des certitudes bien ancrées, à soulever des questions inédites. La présente journée en sera une parfaite illustration.

Notre organisateur a su être modeste, en ne chargeant pas trop la barque, ce qui explique certaines lacunes, par exemple l’absence de rapport en Droit international privé (alors qu’il y aurait eu une large matière en correspondance avec notre sujet) ; ou en Droit comparé le parent pauvre des Universités françaises (comme hélas la Philosophie du Droit, à quelques exceptions près, la plus notable étant celle de Bordeaux grâce à l’activité et à la rare compétence du professeur Jean-Marie Trigeaud. ‒ V. le site qu’il a créé et qu’il dirige : http//:www.philosophiedudroit.org ). En revanche, le grief ne saurait être a priori formulé sur l’absence de conférence portant sur les règlements européens et le contrat, puisque lesdits règlements sont directement applicables dans les pays membres de l’Union. Je doute que cette affirmation puisse être étendue aux directives, sachant qu’elle sont destinées à être transposées dans les lois nationales.

Au demeurant, l’influence de ces diverses sources communautaires sur les contrats est si considérable que ce thème aurait sans doute dû être abordé de front. D’autant que ces textes, non seulement comportent des règles nouvelles, mais encore et surtout ignorent les distinctions classiques auxquelles nous étions habituées, et que la majorité de la doctrine magnifie et veut à tout prix maintenir, comme la stupide distinction de la non-conformité et de la garantie contre les vices dans la vente (dont j’ai proposé la fusion dès 1979). Il existe un dogmatisme de la doctrine, parfois stupéfiant, refusant toute évolution, en invoquant la fidélité à la lettre du code civil, ou je ne sais quel principe de cohérence de telle ou telle matière. Je disais que le thème de la loi et des sources communautaires aurait dû être abordé de front, car je ne doute pas que divers intervenants en traiteront de biais, au fil de leurs propos, ne serait-ce que pour remarquer qu’elles tendent à se faire plus discrètes qu’auparavant dans le domaine contractuel (en ce sens qu’elles laissent plus de place à la liberté contractuelle). Ainsi en est-il du règlement d’exemption par catégorie n° 2790/1999 du 22 décembre 1999, « concernant l’application de l’article 81, § 3, du traité à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées », visant l’ensemble des contrats de distribution (concession, franchisage, distribution sélective, achat exclusif), à l’exception des contrats de distribution automobile. Rompant avec la rigidité antérieure des règlements d’exemption par catégorie, la destination des biens ne constitue plus un critère d’application de ce texte, s’appliquant tant à l’achat pour la revente en l’état et à leur location qu’à la vente ou à l’achat de biens intermédiaires (destinés à une transformation substantielle ou à une incorporation dans un autre produit). De plus, le règlement intègre les services. Enfin, il abandonne l’approche formaliste et dirigiste qui caractérisait les règlements d’exemption par catégorie. Ces derniers encadraient de manière très précise le contenu des contrats de distribution en visant une série de clauses, alors qu’aujourd’hui l’analyse du contenu du contrat n’est plus que subsidiaire, et toute clause qui n’est pas expressément interdite est dorénavant exemptée. Dès lors, les parties à un contrat de distribution retrouvent une bonne part de leur liberté contractuelle (même s’il subsiste un certain contrôle), cqfd.

Certaines obligations sont de l’essence du contrat (les essentialia) : « Les choses qui sont de l’essence du contrat sont celles sans lesquelles ce contrat ne saurait subsister. Faute de l’une de ces choses, ou il n’y a pas du tout de contrat, ou c’est une autre espèce de contrat » (Pothier ). D’autres obligations sont seulement de la nature du contrat (les naturalia) : Ce sont celles que comportent le contrat bien que les parties ne s’en soient pas expliquées (comme l’indique l’article 1135 du code civil, qui emploie ce mot de nature) ; elles peuvent être exclues sans le disqualifier. Enfin, il en est qui sont purement accidentelles (les accidentalia), qui sont ajoutées par une clause particulière. Cette ancienne distinction est-elle sous-jacente à la première leçon que nous entendrons tout à l’heure, sur Essence de la loi et essence du contrat ? Je n’en sais rien. Mais ce que je croyais savoir, c’était que l’essence de la loi était d’établir une norme juridique. Or, celle du 29 janvier 2001, par laquelle « La France reconnaît publiquement le génocide arménien en 1915 », bat en brèche cette certitude.

S’il était un sujet sur lequel régnait en doctrine un consensus presque général depuis près d’un siècle lorsque j’étais étudiant, malgré quelques opinions dissidentes, c’était le fondement du contrat, fondement présenté comme étant l’autonomie de la volonté. Georges Rouhette démontra en 1965 la fausseté de cette vue dans sa thèse. Ce fut un mythe charmant que l’autonomie de la volonté, une formule magique expliquant tout. Au « je pense, donc je suis » (cogito, ergo sum) de Descartes correspondait « je veux, donc j’ai des droits » (comme le relevait Saleilles, mais qui contestait cette vue). Après la destruction vint le temps de la reconstruction. Ce fut l’œuvre du professeur Jacques Ghestin. Pour lui, la force obligatoire du contrat repose sur la recherche de l’utile et du juste. Le Droit ne sanctionne le contrat que parce qu’il présente une utilité, et à la condition qu’il soit juste. La justice ici retenue est la justice contractuelle commutative, qui relève de l’éthique. Mais l’utilité elle-même n’est pas sans rapport avec la morale, car il s’agit surtout de l’utilité sociale, que Jacques Ghestin rapproche de l’intérêt général. Je suis d’autant plus convaincu par cette démonstration qu’elle apporte de l’eau à mon moulin, dans mes recherches sur les rapports de l’éthique et des affaires. Il me souvient que la première fois que mon collègue et ami Jacques Ghestin proposa en public sa théorie, ce fut lors d’un colloque que j’avais organisé en 1986 au Palais de justice à Paris, précisément sur les rapports de la morale et du droit de l’entreprise. J’étais assis entre Henri Mazeaud et Pierre Raynaud, qui ne cessèrent de grommeler par dessus ma tête que tout cela n’était que billevesées. Ces grands esprits (Paix à leurs âmes !), n’acceptaient pas la remise en cause d’aspects aussi fondamentaux de leurs connaissances juridiques. Cela n’a pas empêché les idées de Jacques Ghestin de susciter une adhésion, sinon unanime, du moins croissante.

Après le fondement du contrat, nous aborderons le contenu du contrat, sautant allègrement sur sa formation. Pourtant, il y aurait bien à dire, et il a été beaucoup écrit sur elle, surtout depuis les innovations apportées par le Droit de la consommation ; mais le Droit de la concurrence joue aussi sa partition dans la formation du contrat, et nous aurions pu nous y intéresser .

La loi ne définit pas le contenu du contrat en général, mais des contrats en particulier, généralement nommés les contrats spéciaux (ce qui est assez maladroit, car tous les contrats sont en réalité spéciaux). Certaines de ses dispositions sont impératives, d’autres simplement supplétives. Un seul exemple pour rappeler cette banalité, mais tirée d’un contrat récent, le PACS, puisqu’il est baptisé tel comme je l’ai rappelé. Il donne une large latitude aux intéressés dans l’organisation de leurs rapports, mais comprend un « noyau dur » auquel ils ne peuvent pas déroger. L’usage doit-il être compris dans le contenu du contrat. Oui, selon l’article 1135 du code civil. Et Pascale Deumier a montré que l’usage est un élément du Droit positif, n’ayant pas besoin de la volonté des parties, même s’il résulte de la pratique des professionnels, qui peuvent seulement l’anéantir ; en ce sens, il n’est point d’usage « conventionnel ». Mais la jurisprudence, parfois aiguillonnée par la doctrine, a apporté sa contribution au contenu du contrat. Elle a reconnu l’existence d’obligations contractuelles dans tel ou tel contrat, auxquelles les parties n’avaient point songées, et les modifie sans cesse. Je me contenterai de citer deux contrats, très différents, dont le contenu a largement évolué à l’époque la plus récente : le contrat médical et le contrat de vente. D’autre part, l’obligation « fondamentale » d’un contrat, qu’elle soit telle par nature ou par la volonté des parties, est aujourd’hui prise en compte par la jurisprudence, sous l’angle notamment de la cause à propos des clauses sur la responsabilité (faut-il rappeler le fameux arrêt Chronopost et, bien avant, le célèbre article de notre rapporteur de synthèse aux Mélanges en l’honneur de notre maître commun Pierre Raynaud). Enfin, mais sans chercher à être exhaustif, la Cour de cassation a de plus en plus tendance à prendre en considération ce qu’elle appelle l’économie du contrat, dont elle aurait fort bien pu faire … l’économie.

Cependant, le législateur est souvent intervenu pour modifier le contenu du contrat, par des lois parfois d’application immédiate, notamment dans le domaine des baux, encore assez récemment, mais dès le XIXe siècle. Dans une lettre à George Sand, Flaubert se scandalisait de cette intrusion de l’État dans les conventions privées, la Commune ayant autorisé les locataires à ne pas payer les termes d’octobre 1870 à avril 1871 : « La question des loyers […] est splendide. Le gouvernement se mêle maintenant de Droit naturel et intervient dans les contrats entre particuliers. [Il] affirme qu’on ne doit pas ce qu’on doit et qu’un service ne se paie pas par un autre service. ‒ C’est énorme d’ineptie et d’injustice ».

Nous devons entendre une communication intitulée Loi et réalisation du contrat. Que faut-il entendre par réalisation ? N’est-ce pas ici un anglicisme caché ? D’habitude, les juristes parlent d’exécution du contrat. Et le code civil comprend une série de dispositions destinées à permettre d’obtenir celle-ci, ou de remédier à la défaillance de son cocontractant (ce que certains nomment encore la « responsabilité contractuelle »). Mais peut-être que le mot de réalisation a été choisi à dessein afin de traiter de l’évolution des pratiques contractuelles du fait de la technique, l’informatique jumelée à l’internet. Cependant, les contrats dits électroniques ne possèdent nulle spécificité juridiques (à proprement parler il n’existe pas plus de contrats électroniques que de contrats informatiques) ; et si leur exécution se réalise assurément d’une autre façon que sans ce moyen technique, la même observation vaut pour leur conclusion. Et, de toute façon, la loi n’a guère à voir dans cette affaire, sauf à envisager la directive dite sur les contrats électroniques.

Loi et contenu du contrat, loi et réalisation du contrat, très bien, mais quid de la loi et de l’interprétation du contrat ? Certes, la question de l’interprétation du contrat est classique, mais je ne suis pas certain qu’une évolution, plus subreptice que déclarée, ne soit pas en œuvre. Notamment par le biais des notions cadres contenues dans la loi, que la jurisprudence interprète de plus en plus largement. Loyauté, solidarité, fraternité serait-elle devenue la nouvelle devise contractuelle s’est demandé Denis Mazeaud. Or, n’est-ce pas au titre de l’interprétation que le contenu du contrat s’est progressivement enrichi, parfois à l’excès (notamment par l’invention bien contestable de l’obligation contractuelle de sécurité) ?

Le contrat est normatif (plutôt que normateur), il est normatif en ce sens qu’il a un effet obligatoire, sans nécessairement créer des obligations. C’est un des aspects développés par l’article déjà cité de Pascal Ancel, donnant de nombreux exemples, tels la transaction ou les contrats-cadre. Je crois qu’il serait possible d’y ajouter les conventions collectives du droit du travail, qui sont des normes sans doute négociées mais ensuite étendues à des personnes qui n’avaient pas été mêlées aux négociations. Quoi qu’il en soit, le seul exposé de la journée à ne pas comporter le mot de loi est celui qui est intitulé Le contrat normateur ; il doit sans doute cette particularité au fait que c’est ce concept, par l’article récent lui ayant été consacré, qui a provoqué l’étincelle dans l’esprit de notre organisateur, au point qu’il s’est chargé, non sans quelque audace, d’y revenir à frais nouveaux. Sinon, c’est une évidence que les contrats sont créateurs de normes inter partes, et qu’ils s’imposent aux tiers comme des faits qu’ils sont tenus de respecter.

Comme vous commencez à être las de mes vagues élucubrations, je gage que vous n’avez pas remarqué que, dans mon laborieux survol des thèmes de la journée, j’ai sauté à pieds joints sur deux d’entre eux, parce que j’avoue une nouvelle fois ma perplexité. Il s’agit d’abord de La contractualisation de la loi, ensuite de La limitation de la loi par le contrat. Certes, je devine que, d’une part il nous sera sans doute indiqué que la loi devient un élément de la norme contractuelle ; et d’autre part, je vois bien que le législateur est, dans une certaine mesure, tenu de respecter la liberté contractuelle et les contrats. Mais, au-delà de ces idées générales, j’ignore ce que nous entendrons. Ce sont là profonds mystères, singulières énigmes comme certains sujets des leçons d’agrégation. Plus l’âge avance, plus il est temps d’apprendre. Je m’y prépare et m’en réjouis d’avance !

Nous allons donc commencer nos travaux. Permettez-moi d’achever ces brefs propos liminaires par un vœu, celui que les savants exposés que nous allons entendre ne nous cèlent pas la réalité de la nature du contrat, et ne nous cachent pas la nature de la loi. En effet, le risque existe toujours, dénoncé par Saint-Exupéry qui, dans Pilote de guerre, écrivait ceci : « Les intellectuels démontent le visage, pour l’expliquer par les morceaux, mais ils ne voient plus le sourire ».

D. – Rapport de synthèse au colloque d’Aix en Provence le 15 mai 1998, L’ENTREPRISE FACE AUX CONCURRENCES DÉLOYALES

Certaines idées sont dans l’air du temps, ce qui explique que des savants découvrent des mystères de la nature, ou des inventeurs mettent au point des brevets au même moment, sans se concerter, et alors qu’ils se trouvent dans des contrées très éloignées. D’où la difficulté concrète pour attribuer la paternité de certaines découvertes et inventions, revendiquées en toute bonne foi par plusieurs individus, même si pour les dernières une présomption de paternité a été établie par la loi, au profit du premier déposant. Vous vous demandez sans doute, et à juste titre, où je veux en venir ; à ceci : la protection des forces de l’entreprise est un sujet à la mode, à considérer les colloques qui lui ont été consacrée récemment, fût-ce sous des appellations différentes. Car, en définitive, à analyser le programme de notre journée, sous le titre neutre de « l’entreprise face aux concurrences déloyales », c’est bien de cela qu’il s’agissait, et dont il a été abondamment et excellemment traité.

Auparavant, l’Association française de philosophie du Droit s’est intéressée en mars dernier à l’immatériel, tandis que la Faculté de Droit de Toulouse organisa en avril une rencontre sur la protection de l’idée, au cours de laquelle je me laissais aller à suggérer quelques folles idées. Entre parenthèse, cela laisse entendre que je ne suis hélas pas encore parvenu à la sagesse, comme je constate avec amertume chaque jour (cf. Cah. dr. entr. 1997/6, p. 33), à en croire un philosophe contemporain qui vient de consacrer un ouvrage de plus de 200 pages sous le titre net et sans appel « Un sage est sans idée » (F. Jullien, Un sage est sans idée, ou l’autre de la philosophie, Seuil, 1998). Laissons-là ces fâcheuses considérations personnelles, pour reprendre le fil de mon propos.

La multiplication des colloques sur des thèmes proches de celui d’aujourd’hui est un signe évident de la place grandissante des biens immatériels pour les entreprises, de ces res incorporales anciennes ou nouvelles, ce que les doctes organisateurs de notre colloque ont appelé ses « forces » humaines et commerciales. Elles sont des valeurs économiques d’importance, qu’il convient de préserver contre tous ceux qui voudraient s’en emparer sans coup férir, concurrents au premier chef, mais aussi au-delà des rapports concurrentiels, ce qui est l’objectif du parasitisme stricto sensu. La protection est parfois légale, essentiellement par le droit de la propriété industrielle, dans d’autre cas d’origine jurisprudentielle (concurrence déloyale et parasitisme).

Le besoin pressant de protection s’est accru à l’époque contemporaine pour au moins quatre raisons : j’ai déjà signalé la première, à savoir le poids considérable dans nos économies des biens immatériels, accompagnant du reste la prédominance des services.

D’autre part, l’ouverture des frontières et la mondialisation de l’économie, exacerbant la compétition, et permettant aux requins, de tous poils et de tous pays, de venir roder chez nous et de dévaster nos forces vives.

Troisièmement, parce que les moyens techniques rendent le pillage des plus aisé, en permettant à des tiers de s’infiltrer dans les réseaux informatiques et les bases de données. Certes, il existe sur le marché des écrans de barrage assez efficaces. Mais dans les entreprises d’une certaine importance, possédant un système informatique intégré, tous les ordinateurs étant en réseau, il arrive assez souvent que certains sites n’en n’aient pas été dotés. Le pirate entrera alors par cette brèche. Certains malfaiteurs sont très ingénieux dans ce domaine : Ils créent des logiciels leur permettant de repérer les ordinateurs vulnérables. Et dérobent des informations, et même des fonds transférés électroniquement. La rumeur prétend que des millions de dollars se « perdent » ainsi sur le réseau mondial des transferts de fonds. Plusieurs sociétés spécialisées dans l’anti-piratage ont été fondées par d’anciens malfaiteurs qui, repentis, ont décidé de battre monnaie de leur compétence. Seulement, l’ingéniosité de l’homme est si merveilleuse qu’à chaque progrès négatif, il apporte incontinent des parades : je dirai un mot de certaines d’entre elles, mais d’autres apparaîtront sans doute dans les prochaines années.

Enfin, le recul incontestable de la morale des affaires, manifesté par le fait qu’il n’en n’a jamais été autant question, même si je vois poindre à l’horizon un regain d’intérêt pour elle, et si je veux garder l’espoir d’une société à visage humain. Sans la « petite soeur espérance », chère à Péguy, comment pourrai-je disserter sur l’éthique des affaires, comme cela m’est arrivé, notamment dans cette bonne ville (Cf. L’éthique des contrats internationaux, dans « Éthique des affaires : de l’éthique de l’entrepreneur au droit des affaires », Librairie de l’Univ. d’Aix-en-Provence, 1997, p. 223 et s.) ?

Toutefois, une objection m’est venue à l’esprit lorsque le programme de cette séance m’est parvenu, la matière (l’entreprise face aux concurrences déloyales) n’est-elle pas si rebattue, y compris par moi-même, que chaque aspect a été exploré mille fois, et que nulle terre ne reste à découvrir ? Cependant, cette objection témoigne d’une méconnaissance de la prodigieuse imagination des docteurs, sans compter celle des malfaiteurs, ces derniers pour piller subrepticement ou ostensiblement les biens d’autrui. Et je me suis incontinent souvenu que Claudel affirmait que le but de la poésie est de plonger au fond du défini « pour y trouver de l’inépuisable ». Alors le but d’un colloque n’est-il pas de revenir sur des notions apparemment bien connues pour y découvrir quelques recoins nouveaux, des profondeurs insoupçonnées ? En tout cas, je crois que celui-ci aura eu ce mérite, et qu’il a largement répondu aux attentes de ses organisateurs, surtout de mon ami l’infatigable Jacques Mestre, qui a l’art ineffable de trouver incessamment de nouveaux sujets « porteurs » de thèses ou de colloques. Grâce lui en soit rendue !

Assurément, la manne fut riche, les exposés profonds, sans compter les débats parfois animés et passionnés, où se devinait, sous-jacent, le poids économique des propos scientifiques. Comment ne pas se réjouir globalement de l’abondante moisson de la journée, même si l’envers de la médaille pèse sur le pauvre rapporteur de synthèse ? Comment voulez-vous qu’il résume en quelques phrases la diversité et la profondeur des analyses qu’il a entendues et engrangées (de cinq heures de conférences et de débats), sans trahir la pensée savante et nuancée des orateurs, et la réduire à un méchant brouet, juste digne de quelque vulgaire almanach ? Heureusement que j’ai plus d’un tour dans mon sac à malices, l’âge aidant, c’est son seul avantage, à défaut de la sagesse. Or, du sac précité j’ai tiré prestement un proverbe provençal, une maxime de la sagesse immémoriale de cette noble et antique région, dans laquelle j’ai toujours plaisir à revenir : « Lauso la mare, e tente’n terro ». Admirez la prudente sagacité de ce propos, digne de quelque santon, que j’imagine sous les traits d’un Sancho Pança local. Est-il besoin de traduire le provençal, au risque de lui faire perdre son suc ? « Fais l’éloge de la mer, et tiens-toi à terre ».

Aussi, après avoir loué organisateurs, conférenciers et intervenants, sans barguigner vous avez pu le constater, marqué le brio et l’intérêt intellectuel et pratique de vos travaux, chanté les vertus de la haute mer et des navires hauturiers, qui s’y aventurent sans cartes ni portulants, il me semble plus prudent d’en rester là, sur la terre ferme, ne serait-ce que pour pouvoir « reprendre la route » (selon la curieuse expression consacrée), puisqu’aussi bien je dois incessamment regagner mes pénates, ce que de longs développements rendrait impossible. Tout au plus, me contenterai-je de brèves considérations, sur des points choisis ça et là, un peu au hasard de ma pensée vagabonde, sans plan véritable (contrairement aux conférenciers qui se sont évertués à donner des modèles de leçons d’agrégation). Je jetterai les yeux sur certains aspects, d’une façon peut-être personnelle, sans forcément résumer la pensée de nos orateurs, qui n’ont pas besoin de perroquets pour se faire entendre.

Il était beau de commencer cette journée de travail par les hommes, qui sont la raison d’être du droit. Deux collègues associés (et où régna une heureuse mixité), Michel Buy et Marie-Ange Moreau, avaient la charge d’exposer la protection des personnes (salariés, dirigeants et associés). Mais le titre était quelque peu déceptif, et excessif mon naïf enthousiasme. Car, en réalité l’exposé, exhaustif et évocateur, porta sur la protection contre les personnes, sous l’angle de la non-concurrence, qu’elle ait donné lieu ou non à une clause portant ce nom. Ces questions sont le lieu par excellence du combat entre des principes opposés : de la libre entreprise, de la liberté du travail, de la concurrence loyale, etc.

Une des préoccupations constantes des entreprises est le risque de l’utilisation par un ancien salarié du savoir-faire et des données qui lui ont été transmises. Le droit de la propriété industrielle est d’un secours efficace quant aux inventions dites de mission par les salariés, et pour les logiciels. Quant aux autres œuvres, littéraires ou industrielles, il est toujours possible de prévoir une clause dans le contrat de travail conférant les droits matériels sur l’œuvre à l’employeur (mais pas le droit moral).

Mais les propriétés intellectuelles sont insuffisantes. Dans la mesure où le savoir-faire est une connaissance, des informations, comment empêcher que le sachant le conserve, l’exploite, fût-ce discrètement, fût-ce même inconsciemment ? Il est désormais partie intégrante de sa personnalité qui, par l’exercice professionnel, s’est développée et enrichie. Seul un atroce « lavage de cerveau » efficace pourrait empêcher qu’il en aille de la sorte ! Aussi la jurisprudence décide avec raison qu’un ancien salarié est libre d’utiliser pour lui-même, par exemple dans une société qu’il a fondée, ou dans ses nouvelles fonctions, le savoir-faire acquis dans son ancien emploi, dès lors qu’il ne détourne aucun secret de fabrication.

Certes, une clause contractuelle règle souvent la question (notamment une clause de fidélité, ou une clause de non-concurrence, dont l’évolution récente vers une plus grande rigueur, pour mieux protéger les salariés, nous a été largement dépeinte). Mais même en l’absence d’un tel « après-contrat », la libre disposition des connaissances ne doit pas dégénérer en abus. Engage sa responsabilité civile l’ancien salarié qui utilise personnellement le savoir-faire ou les informations qu’il a acquis dans son ancien travail pour commettre un acte de concurrence déloyale ou de parasitisme ; de même lorsqu’il les transmet à son nouvel employeur se livrant à de tels actes illicites.

D’un autre côté, en complément, l’entreprise exploitant des informations ou un savoir-faire qui lui ont été illicitement transmis par un des ses salariés, commet un acte de concurrence déloyale contre son concurrent et peut, de ce chef, être directement condamnée à réparation. En outre, le débauchage d’un employé, dans le dessein de prendre ainsi connaissance du savoir-faire ou d’informations procurant un avantage concurrentiel d’un concurrent, est suffisant à caractériser la concurrence déloyale.

Après avoir étudié la protection des personnes, il parut opportun d’envisager plus spécialement la protection des savoirs-faire et des documents confidentiels ; vous voyez comment je néglige tout ordre rationnel, puisque je viens déjà de faire allusion à ces questions. Quoi qu’il en soit, ce sujet était dévolu à mon ami Jean Devèze. Ce collègue était l’homme de la situation car, outre qu’il est un des plus grands gourmets de France, il est à la fois commercialiste et pénaliste ; de plus il est à l’affût des évolutions du droit liées aux innovations techniques. L’orateur revint sur les insuffisances des propriétés intellectuelles pour protéger les informations des entreprises.

Il était logique que les entreprises songent aussi à recourir au Droit pénal, dont une des vocations est d’assurer l’ordre, notamment en réprimant les vols : or le pillage de connaissances et données, ne peut-il pas être assimilé à ce délit ? À dire vrai, une telle conception semble heurter la lettre de la loi, définissant le vol comme « la soustraction même de la chose d’autrui » (C. pén., art. 311-1 ; art. 379 ancien). Juridiquement une chose est forcement corporelle : ce mot n’est pas synonyme de bien (comp. : J. Devèze, Le vol de « biens informatiques », JCP G 1985, I, 3210. ‒ Contra M.-P. Lucas de Leyssac, Une information seule est-elle susceptible de vol ou d’une autre atteinte juridique aux biens ? D. 1985, chron. p. 43). Or le Droit pénal est d’interprétation stricte. D’autre part, le vol est « une infraction de réalisation violente, menaçant toujours les personnes », tandis que « l’appréhension de biens intellectuels relève de la notion d’infraction astucieuse […] ; elle s’opère dans la discrétion, sans la mise en oeuvre de moyens violents mais par habileté […], et sans faire naître de danger corporel pour les personnes » (M.-L. Rassat, Droit pénal spécial. Infractions des et contre les particuliers, Dalloz, 1997, n° 63). Ainsi, rien ne saurait justifier l’extension de la notion de vol.

L’affaire devrait donc être entendue. Elle ne l’est cependant point tout à fait, car certains auteurs ont cru pouvoir affirmer qu’un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation avait statué en sens inverse, c’est-à-dire qu’il aurait admis directement la possibilité de vol d’une information, ce qui assurément aurait été une révolution (cf. M.-P. Lucas de Leyssac, L’arrêt Bourquin, une double révolution : un vol d’information seule, une soustraction permettant d’appréhender des reproductions qui ne constituaient pas des contrefaçons, RSC 1990, p. 507 et s.). Il s’agit du fameux arrêt Bourquin du 12 janvier 1989 (Bull. crim. n° 14 ; Dr. inform. et télécoms, 1989/3, p. 34, note J. Devèze) ; il fut suivi d’un autre quelques mois plus tard (Cass. crim., 1er mars 1989, Antoniolli, Bull. crim. n° 100). Leur portée doit être relativisée : Il s’agit d’arrêts de rejet. De plus, ils ont été rendus à propos de salariés ayant pris connaissance et utilisé le contenu de disquettes informatiques dans le premier cas, de documents dans le second ; il y avait donc nécessairement le vol d’une chose corporelle. Avec le recul il est assuré que ces arrêts n’ont point bouleversé les principes, car la jurisprudence a réaffirmé par la suite que le vol ne peut porter que sur des biens corporels, en déniant la qualification à propos de l’appréhension de programmes de télévision codés (CA Paris, 24 juin 1987, Gaz. Pal. 1989, 2, 3, note J.-P. Marchi), de l’utilisation indue d’un minitel (Cass. crim., 12 déc. 1990, D. 1991, p. 364, note S. Mirabail ; au demeurant, l’annotateur remarque que l’obtention frauduleuse de services n’a jamais été assimilée à un vol ), et du recel de photocopies (Cass. crim., 3 avr. 1995, JCP G 1995, II, 22429, obs. E. Derieux ; Gaz. Pal. 1995, 1, p. 264, note D. Perrier-Daville ; D. 1995, somm. p. 320, obs. J. Pradel, rejetant la prévention de recel d’informations).

Toutefois, il existe dans l’arsenal législatif une disposition spécifique qui, a priori, devrait être d’une plus grande efficacité. En effet, la protection des savoirs-faire et des données des entreprises est théoriquement protégée en partie par l’incrimination pénale du secret de fabrique (art. L. 152-7, C. trav. ; CPI, art. L. 621-1). Ce texte réprime la tentative de divulgation et la divulgation par tout directeur ou salarié d’un tel secret de l’entreprise où il est employé. Mais ne relève de cet article que la connaissance réservée, qui n’est pas encore entrée dans le domaine public, dotée d’une certaine originalité, et présentant objectivement un caractère industriel ou commercial. De plus, la divulgation doit émaner de quelqu’un de lié par un contrat de travail, ou l’ayant été avec la victime du délit. L’exposé des conditions strictes de cette incrimination, au champ très limité, montre l’insuffisance de la protection pénale. Du reste, elle est assez peu appliquée. Il serait souhaitable que le Parlement remplaçât cette incrimination étroite par une nouvelle infraction à la portée beaucoup plus vaste, par exemple de violation des secrets d’entreprise, sans qu’il soit nécessaire que l’agent ait été un salarié de la victime.

Si la protection de l’information elle-même est malaisée, celle du support de l’information est sans doute plus efficace. D’abord celle des vecteurs de l’information. Et Jean Devèze de nous démontrer les virtualités du nouvel article 323-1 du code pénal, réprimant notamment le fait d’accéder ou de se maintenir frauduleusement dans tout ou partie d’un système de traitement automatisé de données, et qui pourrait se révéler un jour être d’une grande efficacité (cet auteur a donné ailleurs une solide analyse de ce texte et des dispositions voisines : Atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données, J.-Cl. Pénal, art. 323-1 à 323-7, éd. 1997).

Il se lança ensuite dans la cryptologie, pleine d’avenir semble-t-il, plus mystérieuse pour moi que l’égyptologie. Si j’ai bien compris Jean Devèze, qui est à la cryptologie ce que fut Mariette pour l’égyptologie, elle se définit comme le procédé par lequel une information intelligible est transcrite en une information inintelligible. Autrement dit c’est le contraire de la fonction d’un professeur et j’espère bien ne pas verser trop, pour l’heure dans la cryptologie ! Elle est libre ou soumise à autorisation selon les cas. Son régime résulte de la loi du 26 juillet 1996, complétée par deux décrets du 24 février 1998, qui m’ont paru aussi confus que prolixes, en un mot plus obscurs que les hiéroglyphes de l’Obélisque de la Place de la Concorde.

Les nouvelles techniques de l’information (et non de technologies, qui est ici un anglicisme, en français les deux mots ne sont pas des synonymes), soulèvent des questions inédites, que ce soit l’internet ou les bases de données, dont nous parla mon ami Jérôme Huet, expert s’il en est. Il brossa avec une rare maestria un tableau animé des questions d’actualité, en nous ouvrant des perspectives d’évolution. Et il me chargea de proposer un régime adapté à la protection des informations, hic et nunc, volens nolens ; j’avoue, qu’étant donné l’heure et la fatigue, je reporte à plus tard cette mission.

Parmi les nombreuses et fécondes données proposées par l’ami Huet figura les bases de données. La Directive du 11 mars 1996 instaure une protection à double détente. En premier lieu, les législations nationales doivent protéger le contenu de la base de données par le droit d’auteur (ce qui a été fait en France par la loi du 18 déc. 1996, modifiant l’art. L. 112-3 du CPI). Indépendamment de ce dernier, les États membres devront prévoir un droit, qualifié de « sui generis », dans une formulation bien lourde et ésotérique, au profit de son « fabricant » (celui qui prend l’initiative et effectue les investissements, qu’il eût été préférable d’appeler le producteur, différent de l’auteur). Ce fabricant a le droit d’interdire « l’extraction et/ou la réutilisation de la totalité ou d’une partie substantielle du contenu [de la base], évaluée de façon qualitative ou quantitative lorsque l’obtention, la vérification et la présentation de ce contenu, attestent d’un investissement substantiel du point de vue qualitatif ou quantitatif » (art. 7, 1. ‒ Cf. Ph. le Tourneau, Les contrats informatiques, Dalloz, 1997, p. 148).

Le texte a vocation à s’appliquer à toutes les bases de données, entendues très largement, manuelles comme électroniques et par multimédias. Sa portée dépendra largement de l’interprétation du mot « substantiel ». Cette disposition a soulevé une intense émotion dans le petit monde des juristes, et une grande surprise chez la plupart des jurisconsultes. Pourtant, à travers cet épouvantable charabia, dont les organes de l’Union européenne sont coutumiers, il s’agit d’une simple consécration de l’élargissement de la théorie des agissements parasitaires, dans sa pointe extrême, déjà largement admis par la jurisprudence française.

Il est remarquable que la protection s’étende au contenu, ce qui revient implicitement à protéger des informations brutes ou des connaissances groupées, même si elles ne relèvent pas du droit d’auteur (art. 7, 4), par exemple faute d’originalité. Alors que l’article 3, 2, prend soin de préciser, à propos du droit d’auteur, qu’il ne protège pas le contenu des bases, une telle proposition ne se retrouve pas pour le droit sui generis. Une indisponibilité des informations est ainsi créée par la directive, bien que partielle (la directive ne vise que l’extraction ou la réutilisation substantielles), et elle comporte des exceptions (prévues par l’art. 9). Je ne peux que me réjouir de cette prise en considération par la directive de l’investissement, pour le protéger contre le pillage par des tiers, solution pour laquelle je milite depuis longtemps.

L’Assemblée nationale a adopté en première lecture, le 5 mars dernier, un projet de loi destinée à transposer cet aspect de la directive dans notre droit. Il ne prévoit pas une dévolution d’office des droits sur la base à l’employeur lorsque le créateur est un salarié, malgré la pression de certains organismes professionnels. Le régime est donc opposé à celui qui existe en matière de logiciel.

Limité par le temps, Jérôme Huet n’aborda pas le sujet de l’internet. Laissez-moi aborder ce terrain, dépassant provisoirement mon rôle de « synthétiseur ». Pour le moment aucune réglementation spécifique n’est intervenue pour régir l’internet ; ses adeptes sont donc soumis au droit commun, de la propriété littéraire ou artistique et de la propriété industrielle. À défaut, de la responsabilité civile, dont un des avantages considérables est son universalité. Alors que le législateur s’épuise à essayer de « coller » aux évolutions des données techniques, sociales ou économiques, la jurisprudence peut s’y adapter sans coup férir ; de la sorte le « vide juridique », parfois dénoncé par certains, est un mythe. Cela s’est vérifié à propos des personnes qui créent un site sur la toile en prenant un nom notoire, pour proposer des services ou vendre des produits par l’internet ; l’usage les désigne par l’appellation équivoque de « noms de domaines ».

En l’absence de réglementation, la règle qui a prévalu est celle de la priorité temporelle au premier demandeur d’un nom sur l’internet, même s’il est déjà utilisé par ailleurs. Les tribunaux sont armés pour mettre le holà à cette pratique, grâce au parasitisme, que le nom ait été déposé comme marque ou non, qu’il soit repris par un concurrent ou non. Une jurisprudence commence à apparaître, à propos de dénominations très célèbres, comme Interpol (CA Paris, 17 déc. 1997) ou Saint-Tropez (TGI Draguignan, 21 août 1997). L’organisme national chargé d’attribuer les noms dans la zone désigné par les lettres « fr » (pour France), l’Afnic, s’efforce de respecter la loi française sur les marques.

Après un déjeuner fort agréable, il fallait quelque courage pour reprendre le collier. Je ne suis pas certain de l’avoir eu, et je crois avoir eu une certaine tendance à « décrocher ». Pourtant, le premier sujet abordé n’était pas aride, celui des méthodes de commercialisation et de publicité, dont eut la charge mon collègue Jean-Pierre Mouralis. Il nous donna une solide synthèse, de la protection des instruments tant juridiques que matériels de la commercialisation. Il étaya son propos par des affaires ayant subi les feux des prétoires, dont celle du couponnage électronique, qui devait donner lieu à un large débat avec l’auditoire.

Ici encore, j’ose m’évader un instant de l’exposé, pour dire un mot de l’idée publicitaire. Elle n’est en principe pas directement protégée par le Droit français, à l’instar des autres idées, en attendant une évolution que j’appelle de mes vœux. Certes, comme toute création, la création publicitaire se trouve sous le couvert du Droit commun des propriétés intellectuelles (Droit d’auteur, marque, dessin ou modèle), lorsqu’elle en remplit les conditions. A défaut de protection par le Droit d’auteur, l’œuvre publicitaire ne peut être qu’indirectement protégée, par le Droit de la responsabilité, lorsqu’existe des actes de concurrence déloyale ou de parasitisme, par exemple en cas d’imitation ou, a fortiori, de copie servile. Un arrêt a cependant adopté une position inédite, rejoignant largement mes thèses : Il a en effet jugé qu’une idée publicitaire, même non originale, à condition qu’elle ne soit pas purement descriptive, ne pouvait pas être librement reprise par un tiers lorsqu’il existe un risque de confusion (CA Paris, 17 nov. 1992, Argos c/ Madura). Ainsi, du moins selon cet arrêt, une idée publicitaire concrète est protégeable (même si elle ne l’a pas été en l’espèce, l’idée étant purement descriptive) ; il y a lieu d’espérer que cet arrêt aura des successeurs, et que la solution retenue sera étendue au-delà du domaine de la publicité. Il importe de bien remarquer que c’est la première fois, à propos d’une idée publicitaire, que la décision ne mentionne pas l’originalité. Or, cette absence est capitale : Elle signifie que l’arrêt est sorti de la logique du droit d’auteur pour adopter celle de la responsabilité civile (du parasitisme).

Enfin, pour respecter le parallélisme des formes, puisque le premier exposé de ce matin était à deux voix mixtes et à quatre mains, il en fut de même du dernier de ce soir, consacré par les professeurs Catherine Prieto et Jacques Mestre à la protection de la notoriété de l’entreprise. Ils ont mis au point un procédé très efficace pour se faire applaudir plus souvent, en se cédant mutuellement la parole et le micro à plusieurs reprises. L’exposé, très dense, documenté et argumenté, fut introduit et conclu de façon vivante par des comparaisons et exemples tirés du monde des images (la politique de communication de L’Oréal, l’affaire des Guignols de l’info). La notoriété est un sujet sur lequel j’ai tant écrit depuis tant d’années (notamment dans La responsabilité civile professionnelle, Economica-Poche, 1994) qu’il m’est difficile d’en reparler ; au demeurant, cela est d’autant plus inutile que la conférence résonne encore dans vos oreilles et dans vos intelligences. Je me contenterai de la qualifier de trois mots : Finis coronat opus (la fin couronne l’œuvre).

En conclusion, je relèverai que les deux parties de nos travaux furent placées à bon escient sous l’angle de la protection, la protection des forces humaines et de leur activité créatrice, puis la protection des forces commerciales. Fort bien ! Tout ce qui a été exposé sous ces intitulés méritait de s’y arrêter. Cependant, cette problématique de défense, coutumière aux juristes d’entreprise, est sans doute insuffisante. Le Général de Gaulle, retrouvant les intuitions de stratèges anciens, nous a enseigné que la meilleure sauvegarde est le mouvement en avant. En transposant cette assertion à nos affaires, je dirai que la meilleure protection de l’entreprise contre le pillage réside dans l’invention permanente, la recherche constante de l’innovation, qui font que les parasites sont toujours en retard, l’avantage concurrentiel appartenant, au moins pour un temps, aux innovateurs à tout crin. Cela est particulièrement net dans le franchisage (cf. Ph. le Tourneau, Le franchisage, Economica-Poche, 1994) : Le franchiseur, comme tout titulaire d’un savoir-faire non breveté, est poussé, par la nature des choses, s’il veut éviter le dépérissement de son système, à une fuite en avant dans les perfectionnements et apports inédits. Il doit sans cesse recycler et revitaliser son système et, du reste, transmettre au fur et à mesure ces modifications à ses partenaires.

Avant de nous quitter, il me reste à exprimer en votre nom le contentement que nous avons eu de passer cette journée ensemble, en nous congratulant d’avoir travaillé de conserve pour tenter « d’expliquer le mystère des choses, comme si nous étions les espions de Dieu », pour reprendre une formule de Shakespeare dans Le Roi Lear.

E. – VŒUX A MES ÉTUDIANTS, lors du premier cours de l’année civile 1998

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs

Voici notre première rencontre de 1998. D’emblée, il me faut remercier globalement la soixantaine d’entre vous qui m’ont adressé par écrit leurs souhaits de bonne année. À mon tour, je présente à chacun d’entre vous mes vœux les plus variés et les plus chaleureux.

D’abord, assurément, pour ceux qui le méritent, d’être reçus en fin d’année à l’examen. Toutefois, à dire le vrai, il s’agit là d’une péripétie dans la vie d’un homme. De sorte que je formule surtout à votre égard des vœux plus nobles. Essentiellement, que vous vous forgiez progressivement une personnalité solide et originale, d’homme ou de femme libre et responsable, établissant ses propres opinions (alors que vous avez une singulière propension au conformisme, c’est-à-dire à penser et à répéter ce que vous avez entendu de la bouche de vos camarades ou à la télévision). Il faut accepter de se brouiller avec certaines personnes, afin de rester fidèle à l’essentiel de ce que l’on croit.

L’objectif que je vous propose cette année est de devenir ce que vous êtes. Car vous possédez tous au fond de vous-même des capacités et des dons cachés. Vous êtes mieux en réalité que ce que vous êtes en apparence. Derrière les voyous ou les petits salauds, derrière le masque de la lâcheté et de la médiocrité, il y a souvent une riche personnalité en sommeil, qui s’ignore elle-même.

« Je connais gens de toutes sortes.
Ils n’égalent pas leurs destins.
Indécis comme feuilles mortes
Leurs yeux sont des feux mal éteints
Leurs coeurs bougent comme leurs portes 
» (Apollinaire).

Toute personne possède en son sein un être sublime en virtualité qui attend délivrance, souvent en vain. Chaque être humain doit investir son destin, découvrir les croyances et les mythes qui lui sont propres, et lui permettront de tracer sa voie spécifique dans le vaste monde. Nous sommes voués à l’infini et à l’histoire, et devons concilier l’un et l’autre dans le bruissement du temps. Ayez des convictions qui sont, selon le mot de Bachelard, des « flammes » ; elles doivent vous conduire à établir une hiérarchie des valeurs, du bien et du mal. La conscience morale est la marque caractéristique de l’homme. On craint beaucoup, depuis le névrosé docteur Freud, le refoulement sexuel. Mais il y a un refoulement autrement plus grave, dont on ne parle jamais, j’entends le refoulement de la conscience morale. Vous connaissez ma conception de la morale, dont je vous ai déjà entretenu, d’une morale avenante, à mille lieux du moralisme et du conformisme.

Tout cela implique un voyage en vous-même, afin de vous connaître et de mettre à jour vos qualités, de donner vigueur à vos forces, dons et virtualités cachées, dans le domaine de la réflexion, de l’intelligence, de l’action, de la contemplation, que sais-je encore ? Péguy recommandait d’effectuer un travail de géologie dans les profondeurs de son être. Devenez amis de vous-mêmes. C’est du reste seulement ainsi que vous pourrez vous ouvrir aux autres, être à leur écoute.

Cet ambitieux programme suppose aussi que vous sachiez créer l’unité en vous, entre les divers instincts et forces qui vous tiraillent à hue et à dia, entre vos différentes idées, croyances et aspirations ; mais une unité harmonieuse, intégrant la diversité. Il implique aussi le retour au centre, au cœur disait saint Augustin (Redi ad cor). Celui qui n’a pas l’habitude de vivre en lui-même est comme l’homme qui, ayant du vin dans sa cave, ne sait pas qu’il est bon, car il ne l’a pas goûté (cette phrase est inspirée de Maître Eckhart, mystique rhénan du début du XIVe siècle). L’intériorité nous fait découvrir vraiment nous-même et, grâce à cela, les autres. Se découvrir, c’est se dépasser. L’enfant prodigue de l’Évangile (Luc 15, 11-32) montre, en parabole symbolique, ce retour à l’intériorité. Il était parti vers des terres lointaines, c’est-à-dire hors de lui-même, dans l’extériorité ; or, voici qu’il se ressaisit et qu’il revient au centre…

Apprenez à admirer les êtres et les choses, les plus extraordinaires comme les plus habituelles, dont l’accoutumance fait oublier l’enchantement : le soleil, l’eau, les nuages, et surtout la vie dans toutes ses formes. Puissiez-vous dire, comme Goethe, « en toute chose, je vois l’éternelle splendeur ». La joie de l’homme dépend en grande partie de sa faculté d’admiration, de même que ses progrès dans la connaissance sont en corrélation avec sa capacité à s’étonner (les deux verbes admirer et s’étonner ont d’ailleurs la même étymologie). « L’admiration est semblable à un courant d’eau fraîche inondant la surface de l’âme» (Dom Vounier). Au demeurant, le premier effet de l’admiration est de nous conduire à fixer notre regard hors de nous-mêmes ; c’est pour cela que cette attitude est fréquemment celle des contemplatifs. La curiosité créatrice est bienvenue, qui était nommée au Moyen-Âge la libido sciendi (qui est aussi importante que l’autre libido qui, pourtant, semble généralement seule vous préoccuper).

Vous êtes à un âge critique, en ce sens que tout est encore possible. C’est une grande chance à exploiter. Malraux disait ceci : Durant la jeunesse, «la vie est comme un marché où l’on achète des valeurs, non avec de l’argent mais avec des actes. La plupart des hommes n’achètent rien». Faites mentir cette vue pessimiste. Quant au philosophe Maurice Blondel, il écrivait : « Qui n’a pas voulu quand il a pu, ne pourra plus quand il voudra». Tirez-en des conséquences ! L’avenir sera merveilleux si vous le voulez et en prenez les moyens. C’est à vous, à chacun d’entre vous et à votre génération dans son ensemble, de créer une Renaissance, qui remplacera le temps de décomposition que nous vivons.

Méfiez vous de l’orgueil ; oui, l’orgueil existe plus souvent qu’il n’y paraît chez les jeunes ; il consiste à faire semblant d’être fort, à croire qu’il est possible de se passer des autres et que l’on sait tout des choses de la vie, à refuser l’aide et les conseils, comme à ne pas oser les demander. Assez paradoxalement il est souvent associé au conformisme. Connaissez votre force mais aussi votre faiblesse. Qui se sait fragile peut aller loin, parce qu’il connaît ses limites, et qu’il n’hésite pas à s’appuyer sur autrui, à accepter ou à solliciter l’aide d’autrui.

Dans la construction de vous-même à laquelle je vous appelle, il est normal, naturel et instinctif, qu’à votre âge vous songiez aussi à l’amour. L’auditoire de cet amphithéâtre est un comme un microcosme du monde : Il contient un échantillon très large de l’humaine condition. Parmi vous, il y a un certain nombre de personnes qui ont des comportements contestables, je le sais. Alors permettez-moi quelques brefs propos sur ce sujet. Ayez toujours souvenance que l’amour ne se limite pas à l’aspect physique, certes important. « Si celui-là qui caresse la femme n’est qu’humble bétail sur sa litière, où est donc la grandeur de l’amour ? » (Saint-Exupéry, dans Citadelles). « Celui qui se plaint que le monde lui a manqué, c’est qu’il a manqué au monde. Celui qui se plaint que l’amour ne l’a point comblé, c’est qu’il se trompe sur l’amour : l’amour n’est point cadeau à recevoir » (idem), sous-entendu l’amour se mérite et de construit. Ne confondez pas le désir, légitime, mais qui est pur instinct animal, et l’amour. Le désir est un fait ; l’amour est un acte. On subit un fait ; on décide un acte.

Fondamentalement, l’amour c’est un cœur qui délicatement découvre un autre cœur. C’est une personne qui révèle à l’autre sa propre beauté, son intelligence, sa profondeur, l’infini qui est en elle. «Chaque femme fait de moi cet inconnu de moi-même» (Aragon). L’un et l’autre, l’un par l’autre s’enrichissent, et deviennent transparents l’un pour l’autre. La véritable connaissance est celle qui résulte de l’amour, où les amants renaissant ensemble (co-naissance) d’une même étincelle (J. Guitton). Vaste aventure prenant du temps, qui suppose de la patience, de l’humilité, de l’attention à l’autre, du respect aussi, pour édifier ensemble une belle œuvre, un amour profond, vrai et, par lui, trouver le bonheur ou, du moins, un certain bonheur terrestre. Figurez-vous que même le plaisir charnel n’est ressenti dans sa plénitude que s’il est la récompense du don et de la tendresse partagée.

Méfiez-vous comme de la peste des caricatures de l’amour, notamment du vagabondage sexuel, procurant de simples plaisirs fugitifs et dérisoires où, tout au plus, l’on se fait plaisir, mais où l’on ne construit rien. La recherche de la jouissance pour la jouissance, sans amour véritable, tue la faculté d’aimer ; elle transforme paradoxalement ceux qui s’y livrent en des sortes d’eunuques, du moins évidemment s’ils étaient des garçons ! Il n’y a pas de véritable bonheur individuel.

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Vous le voyez, même si le Droit fait partie de la vie et même si, officiellement, j’enseigne le Droit, mes regards vont au-delà, vers les hauteurs (où de Gaulle recommandait de se diriger, en constatant hélas qu’il n’y avait pas foule). Oserai-je dire que ce dont je parle (le Droit) n’est qu’un prétexte ? Les vérités partielles et particulières, que nous rencontrons dans le Droit des obligations, ne sont que des applications d’une vérité d’ensemble plus vaste, la vérité de l’homme pour l’homme. Plus qu’un professeur de Droit, j’ambitionne d’être un maître de vie... – Je tente de faire passer dans votre naïve, merveilleuse et insondable ignorance un peu de ce que les ans, les joies et les épreuves de la vie m’ont appris, de vous entraîner dans des sphères plus élevées, fût-ce l’espace d’un regard, d’un sourire, d’un soupir. Je veux vous donner soif, et tracer avec vous et pour vous une route vers un puits profond d’eau vivifiante ; je rêve de rendre votre esprit réceptif, comme une harpe qui attend le vent, un étang prêt à être troublé, un parfum à s’exhaler, une fleur à être butinée… – Je me sens tel un semeur jetant des graines à la volée : À vous de les faire germer et croître. Les fleurs se fanent, les herbes se dessèchent, les feuilles tombent, mais les paroles de vérité demeureront.

Nul ne transmet un message pour le plaisir de le transmettre, mais pour répondre à une intime conviction et à une nécessité intérieure puissante. Ce n’est pas surprenant, car le mot professeur a la même racine indo-européenne que celui de prophète. Cette attitude me vaut quelques solides inimitiés. Tant pis ! Voici une anecdote à ce propos : À Napoléon, qui s’apprêtait à engager comme collaborateur un jeune homme aimé de tous, Talleyrand adressa cette surprenante mise en garde : Sire, ne le prenez pas. Que votre Majesté sache qu’il n’a même pas été capable de se faire un ennemi ! Talleyrand avait raison : Un individu sans ennemi est nécessairement un homme sans croyances, sans système de valeurs, sans vision du monde, sans idéal, sans courage… Je pense aussi à cette Pensée de Pascal : « N’est-il pas vrai que nous haïssons la vérité et ceux qui la disent». Or, je vous parle d’or : Je vous dévoile la réalité cachée sous les oripeaux du conformisme mou ambiant. Je vous rappelle quelques vérités éternelles. L’héritage du passé ne doit pas être jeté par dessus bord sans inventaire. «Être civilisé, c’est d’abord se souvenir» (M. Druon). Le rejet actuel de la culture antérieure équivaut à un sabordage. Mais encore faut-il s’entendre sur la culture.

Pour moi, la culture, dont le Droit est un élément parmi d’autres, une note significative dans la partition, une fleur délicate au sein du bouquet, la culture n’a d’intérêt et de sens que si elle permet de mieux vivre. Aussi, la parole enseignante est forcément une parole dérangeante, transformante, constructive. Il est symptomatique qu’en latin instruire, signifie construire, édifier. Aristophane disait «Former les hommes, ce n’est pas remplir un vase. C’est allumer un feu». Je veux vous embraser. Aussi, je ne vous regarde pas seulement comme des étudiants, mais comme des esprits aptes à vous élever au-dessus de vous-mêmes ; non pas comme une masse anonyme et informe d’auditeurs, mais comme des individus différents les uns des autres, uniques et merveilleux.

J’entends rester un homme libre, qui parle à chaque homme et femme ici présents. Et, au fond, pourquoi ne pas l’avouer en tapinois, j’aimerai que vous sentissiez l’amitié réelle que je vous porte et, qu’en retour, vous me redonniez un peu de déférente affection ! Si je suis sévère, c’est précisément parce que je vous respecte, que je vous estime, et que je tente de vous faire donner le meilleur de vous-même. Péguy notait à juste titre que la véritable bonté n’est point faiblesse, ni odieux ramollissement, mais justesse et robustesse. Et Montherlant de préciser : Les gens qui ont la réputation d’avoir un caractère difficile sont en général des gens très faciles, mais à condition que l’on soit correct avec eux. Les gens faciles sont des gens qui acceptent que l’on soit incorrect avec eux, habitués qu’ils sont à être incorrects avec les autres.

Si, dans mon enseignement, je tente d’aller au fond des choses, tout en étant le plus clair possible, au prix d’une ascèse personnelle, et si, ça et là, je cherche à revêtir mes propos d’un certain apparat, ce n’est point pour satisfaire mon ego mais, en toute humilité, par égard pour vous, mes étudiants, mes disciples. C’est ce même esprit d’estime et de respect pour vous qui m’a conduit à venir en cours habillé strictement (avec cravate), à ne jamais être en retard ni jamais supprimer un cours, mais au contraire à vous donner des cours supplémentaires (par rapport aux heures fixées par la Faculté et par mon «service»).

Le mot de la fin sera de Montaigne : Dans le dernier chapitre des Essais (livre fondamental s’il en est) une phrase me semble assez bien résumer l’esprit de cette exhortation inaugurale : « Il n’est rien de si beau ni de si légitime que de bien faire l’homme et dûment, ni science si ardue que de bien et naturellement savoir vivre cette vie». Ah ! chers enfants, puissiez-vous bien faire l’homme !

Revenons, si vous le voulez bien, et même si vous ne le voulez pas, au Droit des obligations.

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Notes postérieures

Dans l’esprit et en complément de certains propos de mes vœux voici un extrait de Citadelles, l’ouvrage inachevé de Saint-Exupéry :
« L’avenir, tu n’as point à le prévoir mais à la permettre.
Sache-le donc, toute création vraie n’est point préjugé sur l’avenir, poursuite de chimère et utopie, mais visage nouveau lu dans le présent. (…) L’avenir, laisse-le-donc, comme l’arbre dérouler un à un ses branchages. (…)
Regarde mes jardins où les jardiniers vont dans l’aube pour créer le printemps, ils ne discutent point sur les pistils ni sur les corolles : Ils sèment des graines.
Ainsi n’écoute jamais ceux qui te veulent servir en te conseillant de renoncer à l’une de tes aspirations. Tu la connais, ta vocation, à ce qu’elle pèse en toi. Et si tu la trahis, c’est toi que tu défigures, mais sache que ta vérité se fera lentement car elle est naissance d’arbre et non trouvaille d’une formule, car c’est le temps d’abord qui joue un rôle, car il s’agit pour toi de devenir autre et de gravir une montagne différente. Car l’être neuf qui est unité dégagée dans la disparate des choses ne s’impose point à toi comme une solution de rébus, mais comme un apaisement des litiges et une guérison des blessures. Et son pouvoir tu ne le connaîtras qu’une fois qu’il sera devenu. C’est pourquoi j’ai toujours honoré d’abord pour l’homme, comme des dieux trop oubliés, le silence et la lenteur
».

Sur l’enseignement du Droit, lisez les belles réflexions de B. de Belval, À propos des « écoles de droit » en particulier et des diplômes de droit en général, Gaz. Pal. 12 décembre 2004.

F. – ALLOCUTION À LA FIN DU DERNIER COURS de l’année universitaire 1997-1998

Ainsi s’achève, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, ce cours : Tout arrive à qui sait attendre ! Le moment est quelque peu solennel, du moins je le ressens ainsi. Ce n’est jamais sans un certain pincement de cœur que je vois une année universitaire s’achever. D’emblée, je tiens à vous remercier. Oui, je vous remercie de votre attention qui fut excellente. Mais plus encore je vous rend grâce de la joie que vous m’avez donnée : Certes, un professeur n’existe que pour les étudiants, mais aussi que par eux, grâce à eux ; et s’il est digne de son titre, ses disciples le forcent à donner le meilleur de lui-même, peut-être à se dépasser.

Cela étant, je souhaite à ceux qui le méritent, c’est-à-dire à ceux qui ont travaillé et compris la matière, d’être reçus. Évidemment, mon désir le plus vif, c’est que tous ceux-là soient admis à passer en licence. Qu’ils ne soient pas inquiets ! Et je leur adresse mes vœux de bonne chance pour l’examen. En revanche, certains étudiants ne comprennent pas le Droit des obligations : Ce n’est pas une tare, mais le signe qu’ils ne sont pas destinés à être des juristes. Je le déplore, mais leur demande d’avoir le courage d’en tirer les conséquences. D’autres ne travaillent pas assez : Il en est qui n’ont jamais remis de devoir en TD, ou n’y ont jamais ouvert la bouche de façon intéressante, et qui ont eu une mauvaise note au partiel : Ils partent assurément d’un mauvais pas, même s’ils peuvent se révéler à l’examen. Je préfère vous dire la vérité, parce que je vous respecte et vous estime.

Vous savez aussi que pour moi l’enseignement du Droit n’est qu’une parcelle d’une formation plus importante, celle d’apprendre à vivre, qui implique que vous vous forgiez une personnalité. Du reste, c’est comme cela que vous pourrez vous épanouir réellement et même, de façon plus terre à terre, trouver une situation : Les entreprises privilégient, parmi les nombreux diplômés, ceux qui ont un tempérament affirmé, une personnalité marquante, une intériorité certaine.

J’ai tenté, durant cette année passée dans la compagnie de vos frais minois, de vous dispenser un enseignement rigoureux, mais le moins aride possible, goûtant ce que l’on appelait au Moyen-Âge la scientia amabilis, la science aimable, au sens d’agréable. Je sais que je n’y suis pas totalement parvenu…

Le Droit pousse au réalisme, mais en même temps à l’optimisme et à l’espoir ; à la confiance dans l’avenir et dans les hommes qui le feront, c’est-à-dire dans la jeunesse (vous plus que moi, encore que…), à condition qu’elle soit guidée par l’aiguillon du courage et de la volonté, tout en étant animée de la flamme d’un idéal. J’ai confiance en l’avenir, parce que j’ai confiance en vous. Or l’avenir m’intéresse car, pour reprendre la formule d’un humoriste, «c’est là que j’ai l’intention de passer mes prochaines années ».

À plusieurs reprises, j’ai indiqué avoir conscience de vos dons, richesses intérieures et potentialités latentes, qu’il vous appartient de mettre à jour et d’exploiter. Malraux déclara un jour que « le rôle de l’art est de tenter de donner conscience à des hommes de la grandeur qu’ils ignorent en eux ». Je crois que c’est aussi, et peut-être plus encore, le rôle du maître. Le véritable maître dévoile la réalité, montre la voie exigeante mais exaltante. Telle est la raison de mon invitation réitérée à vous forger votre personnalité. Je n’y reviens pas, sauf pour préciser que s’il est indispensable de connaître ses limites et ses faiblesses, notre part d’ombre, nous sommes invités à nous dresser vers le haut, en nous unifiant et en déployant notre part de lumière (en tâchant qu’elle prédomine sur l’ombre).

Avant de vous abandonner et de vous lâcher dans l’aventure de la vie, je voudrais encore vous dire combien je souhaite que vous trouviez le bonheur ou, du moins, une certaine forme de bonheur terrestre. Trois précisions à cet égard. D’abord, le bonheur ne tombe pas du ciel. Il se mérite et, au fond, s’apprend : À vous de créer les conditions de sa survenance. «J’ai fait la magique étude / Du bonheur, que nul n’élude » (Rimbaud). Ensuite, sachez que vous rencontrerez forcément sur votre route, un jour ou l’autre, et la tristesse et la douleur, car elles sont des éléments constitutifs de notre condition humaine, marquée par la finitude. Mais, précisément, si vous avez su vous forger une personnalité solide, dotée d’une intense vie intérieure, les divers incidents de la vie vous effleureront, plus qu’ils ne vous ébranleront. Puissiez vous ne pas en rester au stade de ces individus qui s’effondrent au moindre coup de vent. En ce sens, il n’y a guère de bonheur terrestre possible sans courage. Enfin, le bonheur personnel passe par celui des autres : L’individualisme, qui se traduit par la recherche d’une collection de petits bonheurs individuels, débouche forcément un jour sur une faillite.

En prolongement de mes brefs propos, je livre à votre méditation une citation de Claudel, une anecdote racontée par Prix Nobel indien Tagore et une sorte de mémento de Merton.

Claudel : « La jeunesse n’est pas faite pour le plaisir, elle est faite pour l’héroïsme ».

Tagore :
«Je dormais et je rêvais que la vie n’était que joie.
Je me réveillais et je constatais que la vie n’était que service.
Je servis et je compris que le service n’était que joie
 ».

Thomas Merton :
« Rappelle toi…
Que si un rien fait souffrir, un rien aussi fait plaisir…
Que tu peux être semeur d’optimisme, de courage, de confiance…
Que ta bonne humeur peut égayer la vie des autres…
que tu peux en tout temps dire un mot aimable…
Que ton sourire non seulement t’enjolive, mais qu’il embellit l’existence de ceux qui t’approchent…
Que tu as des mains pour donner et un coeur pour pardonner 
».

Pour achever l’année sur une note un peu inhabituelle, sortir de nos routines universitaires et des articles du code civil, je vais vous réciter une pièce du Spleen de Paris, de Baudelaire. J’en profite pour rappeler que l’objectif constant de celui-ci fut «le perfectionnement de son esprit » ; tout être humain devrait se fixer ce programme, particulièrement tout étudiant.